Covid-19: où est la courbe de l’épidémie après 4 jours de confinement
SCIENCE – Impensable il y a quelques semaines à peine, la France vit sous accouchement depuis quatre jours déjà. Pour endiguer l’épidémie de Covid-19, c’était la seule carte en main qui restait avec le gouvernement après les nombreux échecs de mesures diverses et variées.
Les premiers chiffres «attestent d’un respect du confinement», Tant sur les transports que sur le télétravail, a déclaré mardi 3 novembre Olivier Véran. Mais le ministre de la Santé a prévenu que l’impact sur les courbes de progression du coronavirus était encore inconnu. «Si nous respectons le confinement (…), nous pourrons faire reculer le virus. Cela prendra-t-il quelques semaines, sera-ce un peu plus court, un peu plus long? Nous aurons des données rapidement », a-t-il poursuivi, interrogé par RTL.
Selon les indicateurs, on peut déjà voir les premières rafales. Mais il faut faire attention à ne pas revendiquer la victoire trop rapidement. Comprendre, Le HuffPost vous propose de faire le point sur l’épidémie de Covid-19 avec plusieurs cartes et graphiques interactifs.
Courbes globales de l’épidémie en France
Plusieurs indicateurs sont suivis par le gouvernement, les chercheurs et les autorités sanitaires pour suivre l’évolution du coronavirus en France. Les courbes ci-dessous, mises à jour en temps réel grâce aux chiffres de la Direction Générale de la Santé, nous permettent d’y voir plus clair.
Voici une description des principaux indicateurs suivis:
- Taux d’incidence: c’est le nombre de cas détectés pour 100 000 habitants. Il est très utile car il donne un état des lieux de l’épidémie en temps quasi réel (délai de quelques jours pour l’apparition des symptômes, voire avant leur apparition pour les cas de contact). Mais cela dépend des compétences de dépistage.
- Taux de positivité: c’est le nombre de tests positifs par rapport au total des tests réalisés. Il permet de «contrôler» le taux d’incidence. S’il y a beaucoup de cas sur un territoire (taux d’incidence), mais cela n’est dû qu’à un dépistage très développé, le taux de positivité sera faible. A l’inverse, s’il augmente, cela signifie que la plupart des personnes testées sont positives, mais surtout que les personnes infectées non testées, qui passent entre les mailles du filet, sont potentiellement plus nombreuses.
- Taux d’occupation des lits de réanimation par les patients Covid-19: C’est un chiffre scruté, car il permet de savoir si les hôpitaux sont capables de gérer l’afflux de patients. Il est très utile car il y a peu de risque de biais: il ne dépend pas du dépistage et les occupations de lit sont bien signalées aux autorités. Son inconvénient: il existe un délai important entre la contamination et l’entrée en réanimation, d’environ deux à trois semaines.
- Décès à l’hôpital: Comme les réanimations, c’est un indicateur assez fiable, mais avec un retard important.
Pour aller plus loin, voici d’autres courbes, cartes et graphiques pour mieux comprendre l’évolution de l’épidémie au niveau des grandes villes et des départements.
Carte d’incidence et de taux de positivité par département
Ces deux indicateurs sont très utiles pour suivre l’épidémie. Surtout le taux d’incidence. Logique: il permet, si le dépistage est massif, rapide et bien réalisé, de voir l’impact des mesures restrictives sur l’évolution de l’épidémie presque en temps réel. Car théoriquement, on se fait dépister soit après quelques jours de symptômes, soit même avant si on est en contact.
Mais à lui seul, ce baromètre peut être trompeur. Le taux de positivité permet de limiter les biais. C’est pourquoi nous avons choisi de créer une carte de France basé sur le taux d’incidence et la positivité. Chaque département est coloré en fonction de l’évolution de ces indicateurs. La première carte (bouton «tendances») montre l’évolution dans le temps du taux d’incidence et de la positivité. Clairement, pour savoir si la situation s’améliore ou se détériore dans chaque département.
Comme ces taux dépendent de l’augmentation du dépistage, nous avons choisi de ne mettre en évidence que les baisses et les augmentations des deux taux pendant plus d’une semaine. La deuxième carte (bouton «tendances») montre où se situent les indicateurs par rapport aux seuils d’alerte développés par le gouvernement lors du déconfinement.
Pour des raisons techniques, les DOM-TOM ne sont pas visibles, mais sont accessibles dans le moteur de recherche en haut à gauche. Cette carte est mise à jour automatiquement dès la mise à jour de Santé publique France les données posté sur data.gouv.fr (presque quotidiennement).
Courbes d’incidence et de taux de positivité par département
Bien que la carte ci-dessus soit utile pour voir la situation actuelle et la tendance générale par département, elle peut également être utile d’examiner plus en détail les développements dans un département spécifique. C’est précisément ce type d’évolution qui est scruté par les autorités pour savoir si l’épidémie se calme en fonction des mesures, comme nous l’avons récemment clarifié en prenant l’exemple de Marseille et des Bouches-du-Rhône.
Nous avons donc développé un graphique permettant de comparer l’évolution du taux d’incidence et de positivité dans le temps, par département. On voit une inflexion dans plusieurs départements qui pourrait être analysée comme une première indication de l’effet du couvre-feu, puis de l’enfermement.
Mais nous devons faire attention de ne pas sauter aux conclusions. Au cours du mois de septembre, plusieurs gouttes ont été observées en Gironde, dans les Bouches-du-Rhône ou à Paris avant de voir l’épidémie recommencer avec encore plus de force.
Quant à savoir pourquoi, c’est le grand mystère. L’apparition des températures froides a probablement a insufflé une nouvelle vie au coronavirus. Dans le même temps, les laboratoires étaient également débordés, ce qui pouvait conduire à des chiffres biaisés, car non représentatifs de la situation réelle.
Cela appelle donc à la prudence dans la lecture de ces chiffres récents. Tout «pic» ou chute doit durer au moins une ou deux semaines pour être sûr que la situation évolue dans la bonne direction. Et, surtout, doit être en corrélation avec d’autres éléments.
L’évolution dans 22 grandes villes de l’incidence
Toujours sur ces indicateurs rapides mais pas assez fiables, les grandes villes sont scrutées de près, en particulier les 22 métropoles représentées ci-dessous, où, en raison de la densité de la population, le risque de transmission du coronavirus est élevé.
Voici l’évolution de ce taux dans les 22 grandes villes françaises depuis le 26 septembre (limite des données disponibles). Plus la boîte est rouge, plus l’incidence est élevée et donc les cas les plus positifs de Covid-19.
Il est également possible sur ce graphique de suivre l’évolution du taux d’incidence chez les personnes âgées de plus de 65 ans, deuxième indicateur particulièrement suivi par le gouvernement. Pour cause: nous savons que l’âge est le principal facteur de risque du coronavirus.
Pour aller plus loin ou regarder plus en détail l’évolution de l’une des 22 métropoles françaises suivies par Santé publique France, vous pouvez utiliser le graphique ci-dessous en tapant le nom d’une grande ville.
Carte des réanimations par département
L’un des indicateurs les plus stables est le nombre de personnes entrant en réanimation. C’est aussi celle que le gouvernement surveille de près, car le taux d’occupation de ces lits est essentiel: il faut éviter la saturation qui, en plus des décès causés par Covid-19, aurait des conséquences en cascade sur le reste. du système de santé.
Avec le taux d’incidence (en général et chez les personnes âgées), c’est le taux d’occupation des lits qui implique le passage d’un service en seuil d’alerte. Malheureusement, les données ministérielles sur lesquelles s’appuie le gouvernement ne sont pas disponibles actuellement. Il est donc impossible pour Le HuffPost pour suivre cet indicateur. Nous avons donc choisi d’indiquer sur la carte ci-dessous la tendance en termes de nombre de lits de soins intensifs occupés par les patients Covid-19.
Courbes de réanimation et d’hospitalisations par service
Le principal inconvénient de cet indicateur est qu’il y a un grand décalage dans le temps. «Pour les cas graves, il a été estimé qu’il faut environ deux semaines entre l’infection et l’admission aux soins intensifs. Ainsi, l’impact d’une mesure contraignante ne sera visible que 14 jours plus tard », explique le HuffPost Samuel Alizon, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la modélisation des maladies infectieuses.
Afin de pouvoir suivre précisément cette évolution, voici un graphique montrant le nombre de personnes hospitalisées ou en réanimation pour coronavirus, dans chaque service.
On voit notamment que l’augmentation est très importante dans les départements des grandes régions métropolitaines où le taux d’incidence a le plus augmenté ces dernières semaines. Clairement, ces courbes suivent celles du taux d’incidence et confirment avec certitude la situation épidémique deux à trois semaines plus tard.
Décès à l’hôpital liés au Covid-19 par département
Enfin, le dernier indicateur est le plus tragique: l’évolution du nombre de décès causés par le coronavirus. Ici, seuls les décès enregistrés à l’hôpital sont répertoriés. Des chiffres plus généraux (surmortalité de l’Insee, retour des maisons de retraite ou certifications électroniques, etc.) sont communiqués plus sporadiquement.
Ce graphique ne permet donc pas de dire le nombre total de décès en France à un instant T, mais plutôt, comme les autres, de voir l’évolution de l’épidémie. Quant aux réanimations, il y a un délai d’environ deux à trois semaines entre l’évolution actuelle de l’épidémie et l’impact sur la courbe de mortalité.
Evidemment, ce que nous voulons, c’est que toutes ces courbes soient dirigées vers le bas. Face à une épidémie, il faut être patient et ne pas proclamer la victoire trop vite.