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Troubles de l’attention: des chiffres bien au-dessus de la réalité

Ce sont souvent des garçons. Ils remuent, ne restez pas immobiles. Ce sont des enfants qui ont de grandes difficultés à se concentrer et, à la fin, leur excitation va interférer soit avec l’environnement familial, soit avec leur école. Ces enfants auraient un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) selon la classification psychiatrique américaine.
Aux États-Unis, c’est à la mode. Cette prétendue pathologie rencontre un succès sans précédent depuis dix ans, faisant en sorte que près d’un enfant sur dix serait atteint. Et en corollaire, lesdits enfants peuvent être traités avec un médicament, le Ritalin, qui est une amphétamine.

Seuls 0,3% des enfants français sont concernés

«Le danger est évidemment la surconsommation, Le professeur Bruno Falissard nous l’a récemment dit, qui dirige un important laboratoire de recherche à la Maison de Solenn. Depuis des années, la prescription de Ritalin a augmenté en France, et on n’arrivera pas au niveau américain, mais à un niveau sûrement trop élevé. «  Et ce pédopsychiatre à noter: «Il est regrettable que les études de prévalence [mesure de l’état de santé d’une population à un instant donné, ndlr] ne sont pas très minces. Ils parlent d’un taux compris entre 3,5% et 5,6% d’enfants touchés. Cela me semble très exagéré. « 

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D’où le grand intérêt de l’étude que Sébastien Ponnou vient de publier, psychanalyste et maître de conférences à l’Université de Rouen-Normandie. Notre chercheur voulait voir plus clairement de cette façon le TDAH. Il a travaillé sur la base de données de l’assurance maladie, où il a collecté non seulement les prescriptions de médicaments (dans ce cas le Ritalin), mais aussi les diagnostics posés par les médecins. Ses résultats sont impressionnants, car ils brisent le cliché selon lequel nous sommes confrontés à une sorte d’épidémie de TDAH, et que les enfants français suivent la même courbe que leurs amis américains. En fait, ce ne serait pas. «Selon notre étude, la prévalence de l’hyperactivité / TDAH en France peut être estimée à 0,3% des enfants d’âge scolaire, avec 0,2% pour la prescription de psychostimulants, explique Sébastien Ponnou. Ces données sont particulièrement robustes car elles sont basées sur la réalité des pratiques cliniques et sur les prescriptions des médecins pour la population générale. « 

Conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique

Cette faible prévalence est une révélation. Cela affaiblit la position de ceux qui prétendent que le taux serait de près de 4%, et qui veulent médicaliser tous les troubles de l’enfance. « Ceux qui pensent que nous avons au moins 4% de TDAH ont tort, analyse académique. Ils sont basés sur des études scientifiquement discutables. Il s’agit d’enquêtes téléphoniques déléguées à des opérateurs non spécialisés. Là, je montre que les résultats de leurs études sont 17 fois meilleurs que la réalité. « 

Pour expliquer ces gigantesques différences, il faut, selon Sébastien Ponnou, fouiller dans le panier des conflits d’intérêts avec l’industrie pharmaceutique. Il se montre sur ce point catégorique: «L’implication de l’industrie pharmaceutique dans les pratiques et politiques de soins autour du TDAH est souvent mentionnée mais rarement démontrée. Nos travaux sur la prévalence, le diagnostic et le traitement de l’hyperactivité-TDAH en France d’une part nous permettent de documenter des conflits d’intérêts importants. «  Il évoque des données à paraître prochainement confirmant ces conflits d’intérêts, pointant des liens financiers entre les différentes associations qui promeuvent ce type de diagnostic, mais aussi avec les chercheurs. «Ces pratiques sont dommageables car elles guident les représentations du grand public, les demandes, mais aussi les pratiques. Surtout, ils induisent un risque de sur-médication et de surdiagnostic chez l’enfant, et empêchent les pratiques alternatives aux seules approches biomédicales. « 

Sébastien Ponnou a sûrement raison. Mais il a aussi des liens d’intérêt, en particulier avec le monde de la psychanalyse, qui est très opposé au modèle biomédical pour faire face à ce type de symptômes. «Pour les psychothérapeutes, le TDAH vient principalement du lien avec leur entourage. Mais ce n’est pas toujours vrai, remarque le professeur Falissard. Certains enfants sont comme ça, c’est leur nature, même si d’autres fois, c’est vrai, cette hyperactivité peut être renforcée par l’environnement. « 

En d’autres termes, s’il y a manifestement beaucoup moins d’enfants agités qu’on ne le dit, le débat sur les causes est loin d’être terminé. Mais dans tous les cas, il n’est pas nécessairement nécessaire de leur administrer des médicaments qui peuvent être dangereux.

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Eric Favereau

Delphine Perrault

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