Les Algériens ont boycotté massivement le référendum constitutionnel
Appelé à ratifier une révision constitutionnelle censée établir un « Nouvelle République », Les Algériens ont massivement boycotté dimanche 1er novembre un référendum organisé en l’absence de son initiateur, le président Abdelmadjid Tebboune, hospitalisé en Allemagne. Le taux de participation final s’est élevé à 23,7%, a annoncé en fin de soirée Mohamed Charfi, président de l’Autorité électorale nationale indépendante (ANIE), un creux historique pour une élection majeure.
Cette abstention record – le seul véritable enjeu du vote boycotté par l’opposition – constitue un revers cinglant, sinon humiliant, pour un régime confronté depuis février 2019 à un soulèvement populaire sans précédent, le «Hirak». A titre de comparaison, lors de l’élection présidentielle de décembre 2019, le taux de participation avait atteint 39,93%, le taux le plus bas de toutes les élections présidentielles pluralistes de l’histoire algérienne, faisant d’Abdelmadjid Tebboune un président. mal élus et donc en quête de légitimité.
Dimanche, seuls 5,5 millions d’électeurs se sont rendus sur les 23,5 millions inscrits. Les 900 000 électeurs de la diaspora ne sont pas comptés, mais le taux de participation à l’étranger est réduit à un seul chiffre, selon l’ANIE. Les résultats officiels doivent être annoncés lundi vers 10 heures, mais la victoire du «oui» ne fait guère de doute car la campagne électorale, qui a laissé la population largement indifférente, a été unilatérale. Les opposants n’étaient pas autorisés à tenir des réunions publiques. Les partisans du « Hirak » ont préconisé le boycott tandis que les islamistes ont appelé à un vote « non ».
« Changement de façade »
A Alger, les électeurs se font rares. « J’ai voté Oui pour mes enfants et petits-enfants. J’ai fait mon devoir pendant la guerre pour libérer mon pays et je le fais maintenant pour la stabilité », raconte Mohamed Miloud Laaroussi, 86 ans, un vétéran, le dernier à voter au centre Pasteur, au cœur de la capitale. En raison de la pandémie, l’accès aux bureaux était limité à deux ou trois personnes à la fois et le port d’un masque était obligatoire.
« Le peuple algérien sera à nouveau au rendez-vous avec l’histoire pour opérer le changement attendu, dimanche 1er novembre, en vue d’instituer une nouvelle ère capable de réaliser les aspirations de notre peuple à un État fort, » moderne et démocratique « , avait attendu Abdelmadjid Tebboune dans un message relayé samedi par l’agence officielle APS. La date du référendum n’a pas été choisie par hasard: le 1er novembre marque l’anniversaire du début de la guerre d’indépendance contre la puissance coloniale française (1954-1962).
Grand absent du scrutin, Abdelmadjid Tebboune, 74 ans, est hospitalisé depuis mercredi en Allemagne pour « Revues approfondies » après l’annonce de cas suspects de coronavirus dans son entourage. Son état serait « Stable et non préoccupant », selon la présidence, qui n’a donné aucune nouvelle depuis jeudi. Sa femme a voté pour lui par procuration dans une école d’Alger.
Les réseaux sociaux ont signalé des incidents – marches nocturnes, affrontements avec la police, urnes et bulletins de vote détruits – en Kabylie. De nombreux bureaux de vote n’ont pas ouvert dans cette région traditionnellement rebelle, selon les médias locaux. Des arrestations ont eu lieu à Alger et à Tizi Ouzou, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Abdelmadjid Tebboune a fait la révision de la Constitution, la énième depuis son indépendance en 1962, son projet phare et a d’abord tendu la main aux manifestants de la « Hirak populaire authentique béni ». Mais le «Hirakistes» rejeté « En substance et en forme » une initiative perçue comme un « Changement de façade », appelant au boycott du référendum. Ils appellent depuis février 2019 à un changement profond « système » en place depuis l’indépendance. En vain jusqu’à présent, même si le mouvement a poussé Abdelaziz Bouteflika à démissionner en avril 2019 après vingt ans de règne.
En fait, la nouvelle Constitution propose une série de droits et de libertés mais n’offre aucun changement politique majeur: elle maintient l’essence d’un régime «ultra présidentialiste». « C’est pour la démocratie que nous nous sommes levés, pas pour un autre régime présidentiel arabe », explique Ghalem, un enseignant de 40 ans à Sidi Bel Abbès (nord-ouest). L’élection s’est déroulée dans un climat de répression « implacable » ciblant les militants du «Hirak», les opposants politiques, les journalistes et les internautes, selon des défenseurs des droits humains. Selon le CNLD, quelque 90 personnes sont actuellement derrière les barreaux, la plupart pour des publications sur Facebook.