La chute du cardinal Angelo Becciu fait trembler le Vatican
L’homme était petit mais il était l’un des plus puissants du Vatican. Le cardinal Angelo Becciu, 72 ans, a été démis de ses fonctions par le pape François le 24 septembre au soir. Y compris celui de préfet de la Congrégation pour la cause des saints, poste prestigieux de niveau ministériel qu’il occupait. Plus précisément, il a dû remettre sa démission à François, qui l’a aussitôt acceptée dans un entretien louche de vingt minutes. Ce dernier l’avait pourtant nommé cardinal en juin 2018, signe éminent de sa confiance en lui.
Un article sur le détournement de fonds de l’Église que ce cardinal d’origine sarde aurait couvert et qui aurait profité à ses frères de sang, publié dans l’hebdomadaire de gauche, l’Espresso, à paraître ce week-end, a précipité la chute de celui qui a occupé le poste stratégique du n ° 3 du Saint-Siège de 2011 à 2018.
La « méthode Becciu »
Qu’est-ce qu’on lui reproche? Une première alerte rouge a retenti il y a un an dans le cadre d’une enquête sur l’acquisition par le Vatican d’un immeuble commercial dans un quartier riche de Londres. Le nom du cardinal Becciu a ensuite circulé. Il avait en effet donné le feu vert à cette opération complexe et risquée, loin des pouvoirs habituels de l’Église catholique mais sur fonds du secrétaire d’État. L’enquête est toujours en cours. Il a reconnu qu’il était de son devoir de « faire travailler l’argent avec les fonds du secrétaire d’État ».
Des sources vaticanes très informées ont cependant indiqué vendredi que d’autres arrangements financiers du même genre avaient eu lieu sous sa juridiction impliquant des hommes d’affaires italiens proches des circuits financiers cardinaux et très sophistiqués. Ce serait donc « la méthode Becciu Ce qui serait aujourd’hui publiquement remis en question. En le chassant, le Pape donnerait un « signe spectaculaire « du ménage qu’il dirige actuellement contre la corruption financière au Vatican » avec la même vigueur que son combat pour la transparence contre les affaires de pédophilie »Assure ces sources.
En l’expulsant, le Pape donnerait un «signe spectaculaire» du ménage qu’il mène actuellement contre la corruption financière au Vatican
Quant à l’article retentissant de l’hebdomadaire de gauche italien, l’Espresso, il certifie que le cardinal Becciu aurait fait don d’au moins 100 000 euros de fonds ecclésiaux à une coopérative caritative dirigée par son frère en Sardaigne. Ce que le cardinal Becciu n’a pas nié vendredi lors d’une conférence de presse, assurant que c’était dans son « prérogatives Ensuite, pour faire ce type de paiement caritatif et que cet argent était » toujours disponible »Dans le diocèse sarde.
De même, il a admis vendredi qu’un autre de ses frères, un charpentier, travaillait dans une nonciature à Cuba où Angelo Becciu était nonce apostolique – autre grief soulevé par le magazine – ne voyant pas ce que c’était. était » illégal « Surtout qu’il aurait demandé » autorisation À Rome. Lui par contre » absolument nié »La troisième accusation du magazine italien d’avoir investi de l’argent de l’église dans le commerce des boissons et de la bière de son… troisième frère.
« Je ne suis pas corrompu »
Mais il n’a pas commenté l’accusation la plus lourde de l’article de Expresso, peu argumenté c’est vrai, d’une série d’assemblages incertains qui auraient fini par coûter 450 millions d’euros » au Saint-Siège selon l’hebdomadaire.
Depuis jeudi soir, le cardinal Becciu, un homme très pugnace, se déclare « innocent Et promet qu’il le prouvera. Il affirme que ce qui a écrit l’Espresso Est « Totalement faux « , Qu’il n’a rien fait » détournement de fonds « . Qu’il a accepté la décision du Pape » par obéissance et par amour de l’Église » mais qu’il a demandé le » loi « Au Pape d’organiser le sien » la défense »Fils de voiture« honnêteté Ne peut pas être remis en cause. » Ma conscience me dit que je ne suis pas corrompu Il insista à nouveau.
Cependant, le rare fait d’une démission immédiatement acceptée par le Pape suggère que l’affaire ne serait pas sans fondement. En cas de doute, le Vatican protège généralement les prélats jusqu’à ce que la justice établisse une preuve formelle de culpabilité. C’était typiquement le cas du cardinal Barbarin. Une décision immédiate du pape, qui repose d’ailleurs sur des informations de la justice italienne, indique au contraire que les éléments dont il dispose suffiraient pour trancher.
Le cardinal Becciu a accepté la décision du pape «par obéissance et par amour de l’Église» mais a demandé le «droit» du pape d’organiser sa propre «défense».
Autre indice: les conséquences de cette décision d’application immédiate sont drastiques. Si Mgr Angelo Becciu conserve son titre de cardinal, il n’a plus aucune prérogative: à savoir l’élection d’un pape en cas de conclave dont il est désormais exclu et où il aurait joué le rôle de pape et surtout l’instantané cessation de ses fonctions de conseiller du chef de l’Église catholique. Ce qui signifie une sortie brutale du cercle de pouvoir d’un homme d’église qui a occupé des responsabilités décisives au sein de l’administration du Vatican pendant dix ans. À tel point qu’il était même l’homme incontournable à une époque très récente. Cet homme de confiance, qui ne l’est plus, connu pour son efficacité opérationnelle, avait ainsi été choisi par le Pape François pour reprendre l’Ordre de Malte, dossier à forte charge financière, en février 2017, car » délégué spécial » et avec « tous les pouvoirs ».
Avant d’être nommé il y a deux ans par François à la « cause des saints « Comme on dit à Rome, c’est-à-dire au ministère chargé d’enquêter sur toutes les causes des béatifications et canonisations, une position qui n’est pas très politique mais très honorifique et avec une dimension globale, il était en fait le » Remplacer « de 2011 à 2018. Ce nom trompeur ne fait pas référence à un siège pliant. » Le substituto »est encore moins un simple ministre de l’Intérieur comme on peut le lire. Il y a beaucoup plus.
Un choc sismique au Vatican
Le Suppléant est avant tout le secrétaire général de l’Église catholique. Dans son bureau convergent les informations et les décisions du Pape, du Secrétaire d’État (le Premier ministre) mais de tous les ministères du Vatican – y compris les finances, la communication, la gendarmerie du Vatican – et les puissants bastions du Saint-Siège comme la direction de la Cité du Vatican, qui de la basilique Saint-Pierre, des musées du Vatican et … de la gendarmerie du Vatican, donc l’intelligence interne. Bref, la haute responsabilité qu’il occupait, réunirait en France le secrétariat général de l’Elysée, Matignon et tous les ministères.
D’où le choc sismique ressenti dans le petit monde du Vatican. C’est une figure et un homme fort qui tombe. Il avait été nommé par Benoît XVI au poste de suppléant mais a toujours été très fidèle au pape François qui l’a fait cardinal. Sa chute aura donc des répercussions pour le prochain conclave, dont beaucoup commencent à parler à Rome.
Le Saint-Siège n’a donc pas commenté cette affaire au parfum de scandale, mais une réaction a été très perceptible. Celui d’un autre cardinal. Il a publiquement salué la décision du Pape. Son nom est George Pell. Il est australien. François l’avait amené à Rome au début du pontificat comme ministre des finances pour remettre de l’ordre dans l’argent de l’Église.
Très vite Pell et Becciu s’y sont opposés car la Secrétairerie d’État dont la Sardaigne avait les clés. Il n’a jamais voulu soumettre les comptes et les finances du secrétaire d’État, cœur de la Curie romaine, à cette nouvelle entité financière, un ministère des finances confié à l’Australie, voulu par François, avec un contrôle de gestion. Le cardinal Pell a ensuite connu de violents problèmes juridiques sur des problèmes de pédophilie dont il s’est toujours défendu et dont il vient de sortir. Il a posté ces quelques lignes jeudi soir: « le Saint-Père a été élu pour assainir les finances du Vatican. Il joue sur le long terme et doit être remercié et félicité pour ces récents développements. J’espère que le nettoyage des écuries se poursuivraune « .