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En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo rompt dix ans de silence à la veille de l’élection présidentielle

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Une banderole de l'ancien président ivoirien Laurent Gbagbo, président du Front populaire ivoirien (FPI), à Abidjan, le 31 août 2020.

Il est le grand absent de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, une ombre qui plane sur le pays et dont le discours avait été suspendu depuis près de dix ans et son arrestation par les forces combattant pour Alassane Ouattara avec le soutien de la France et des États-Unis. Nations.

Laurent Gbagbo a rompu le silence jeudi 29 octobre dans une interview à TV5 Monde. Exilé à Bruxelles depuis l’acquittement de la Cour pénale internationale (CPI) en première instance, l’ancien président ivoirien, 75 ans, a dissipé une partie du mystère autour de ses intentions et de sa situation, à deux jours d’une élection où les positions ne cessent de se durcir.

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«J’attendais d’être de retour dans mon pays avant de parler, mais aujourd’hui, la date du 31 octobre approche. (…) Je vois que les querelles nous conduisent dans un abîme et en tant qu’ancien président, ancien prisonnier de la CPI, si je me tais, il n’en est pas responsable », il précise pour justifier son discours. Plus d’une demi-heure d’interview où s’exprime sa volonté insatisfaite de retourner en Côte d’Ivoire, sa volonté de rester dans le jeu politique et son inimitié envers Alassane Ouattara, candidat à un troisième mandat. que l’opposition considère comme contraire à la Constitution.

« Je suis résolument dans l’opposition », met en garde Laurent Gbagbo à ceux qui pourraient en douter. La colère exprimée par une partie de la population? «Je le comprends et je le partage. Je pense que l’un des problèmes politiques en Afrique est que nous écrivons des textes sans y croire. Il est écrit dans la Constitution que le nombre de mandats est limité à deux. (…) Si nous écrivons une chose et en faisons une autre, nous assistons à ce qui se passe aujourd’hui en Côte d’Ivoire. « 

Le seul capable d’élever la rue ivoirienne

Les violences qui ont éclaté après l’annonce le 6 août de la candidature d’Alassane Ouattara et qui se sont accentuées avec l’appel à  » désobéissance civile «  les opposants ont déjà tué trente personnes selon les autorités, le double selon l’opposition. « Ce qui nous attend, c’est le désastre » si le chef de l’Etat sortant consacre sa victoire, Laurent Gbagbo prévoit, tout en prenant soin de ne jamais appeler ses nombreux militants pour manifester et empêcher la tenue du scrutin.

Au sein de l’opposition, l’ancien chef de l’Etat est le seul à pouvoir soulever la rue ivoirienne avec un seul slogan. La procureure de la CPI, Fatou Bensouda, a également lancé un premier avertissement aux acteurs politiques, notant que les actes commis ces derniers jours «Pourrait constituer des crimes relevant de la compétence de la CPI».

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Le remède prôné par Laurent Gbagbo est, dit-il, le même que celui qu’il proposait dès sa première candidature contre Félix Houphouët-Boigny en 1990: «Je n’ai jamais cessé de dire: asseyons-nous et parlons. Avec la négociation, nous résolvons beaucoup de problèmes.  » Un viatique qu’il martèle tout au long de l’entretien. « Il est toujours temps de se parler », il a dit.

S’il a l’intention de renouer le dialogue, il n’hésite pas à lancer quelques flèches sur celui qui l’a fait tomber de cette présidence présidentielle qu’il ne voulait pas quitter en 2010, malgré sa défaite certifiée internationalement. « J’étais candidat [à l’élection de ce 31 octobre]. Nous étions 44. Nous avons rejeté 40 candidatures. Je trouve cela un peu enfantin. Je pense que quiconque veut être candidat doit être candidat. Il ne faut pas multiplier les obstacles sur la route des candidats. « 

Selon son observation, quarante ans après l’avènement du multipartisme, «Nous avons fait beaucoup de progrès. Mais, depuis dix ans, tous les progrès en matière de démocratie s’effondrent ». Une lecture de l’histoire qui a aussi le mérite d’oublier certaines pages sombres de sa présidence.

« Alassane Ouattara manque d’élégance »

Autre point de tension avec le chef de l’Etat sortant qui s’est engagé à le renvoyer sous condition après l’élection et après la fin de la procédure de recours devant la CPI: son passeport toujours en attente trois mois plus tard l’ayant demandé. «C’est une mauvaise façon. Cela fait partie des règles enfreintes. (…) Tant que je ne rentre pas chez moi, cet acquittement a un goût incomplet. Voir l’ex-président se rendre à l’ambassade de Côte d’Ivoire pour demander un passeport est un peu honteux. Alassane Ouattara manque d’élégance, mais on ne peut pas refaire un homme « , pique Laurent Gbagbo.

Puis ajouter «Qu’il me donne ou non mon passeport, peu importe. Si je veux rentrer chez moi, ce n’est pas compliqué, quelqu’un peut me donner un passeport d’un autre pays [comme celui que lui a proposé le président bissau-guinéen]. Mais je ne veux pas provoquer de palabre, de tension, d’antagonisme. C’est pourquoi je ne suis pas rentré à la maison. « 

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Si les jeunes sont  » ses copains « , il n’en reste pas moins qu’après quarante ans sur le ring politique, Laurent Gbagbo ne semble pas prêt à raccrocher les gants pour faire place à une nouvelle génération. « J’entends souvent dire que les trois doivent être [lui-même, Alassane Ouattara et Henri Konan Bédié], ils doivent partir, d’autres doivent venir. (…) Les jeunes ne disent rien du tout. Ce sont les autres qui parlent au nom des jeunes. La vie peut continuer sans nous, mais poser les problèmes en ces termes, c’est tromper les Ivoiriens », objecte-t-il, faisant référence à la longévité politique de Charles de Gaulle ou de François Mitterrand.

Parfait connaisseur de la vie politique française, francophile frustré, l’historien, toujours très politique, s’interroge sur les crises qui affectent principalement les pays africains francophones. « Peut-être à cause de nos relations privilégiées avec la France ou à cause de la forme de notre décolonisation et beaucoup de la faute d’hommes politiques mi-français, mi-africains », il analyse, sans absoudre la première responsabilité qui incombe aux dirigeants africains.

En Côte d’Ivoire, pour Laurent Gbgabo, le premier responsable de la crise actuelle est Alassane Ouattara. « Le défaut majeur, il a dit, c’est lui et il faut le dire clairement.  » Même dans le rôle de vieux sage dans lequel il souhaite apparaître, Laurent Gbagbo reste un animal politique indomptable.

Lothaire Hébert

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