Clichés racistes: pourquoi certains personnages de Disney posent problème
Nous les observons sous un autre angle, ces héros qui ont bercé notre enfance. La plate-forme Disney + a introduit des avertissements de pré-sortie de classiques comme «Peter Pan» pour sensibiliser à la présence de «stéréotypes faux alors et faux aujourd’hui». Une précaution qui rappelle la polémique autour du film « Autant en emporte le vent », retiré de la plateforme HBO en juin dernier pour des clichés racistes avant d’être enfin agrémenté de la même mesure. Certains personnages sont en effet devenus difficiles à assumer pour le géant de l’animation.
«À l’origine, les réalisateurs ne voulaient pas faire de mal intentionnellement», se souvient Sébastien Durand, spécialiste de la culture pop et de Disney. Ces caricatures n’ont pas été critiquées lors de leur sortie, mais certains éléments ont mal vieilli, comme les représentations caricaturales de peuples. Fantaisie, libéré en 1940, avait été censuré pour une scène jugée raciste après la Seconde Guerre mondiale. Un esclave noir refait les sabots d’un centaure. Aujourd’hui, le studio ne retirera pas ces programmes, qui ont une dimension émotionnelle pour son public. Mais, depuis 2005, Disney s’est engagé à représenter la diversité de manière engagée. Le studio refuse, par exemple, de tourner dans l’état de Géorgie, qui interdit l’avortement, et projette un personnage homosexuel dans le prochain Marvel. Il souhaite que l’ensemble de son public de plus en plus large s’identifie à ses héros. Voici un récapitulatif de ces « anciens » personnages qui se posent des questions.
Les corbeaux de « Dumbo » (1941). L’histoire de cet éléphant semble anodine. Cependant, une séquence avec une chanson interpelle nos oreilles contemporaines. «On peut distinguer les travailleurs noirs dans la pénombre qui fredonnent Nous sommes heureux de n’être bons à rien … », Notes Laurent Valière, auteur du livre« Cinéma d’animation: la French touch ». Et vous souvenez-vous de ces corbeaux qui aident Dumbo à prendre son envol? Ces oiseaux sont un clin d’œil à la ségrégation américaine.
«Le chef du groupe s’appelle Jim Crow. C’est pourtant le nom de ces lois instituées aux États-Unis en 1877. D’un point de vue pictural, ces personnages font aussi penser aux Minstrel Shows. Ces spectacles où les Blancs se maquillaient en noir », ajoute Laurent Valière. L’adaptation américaine fait également la part belle aux accents caricaturaux. «Ces images ne sont pas uniques à Disney. On le retrouve dans certains dessins animés comme Bugs Bunny avec ses chasseurs aux grosses lèvres, note Sébastien Durand. Les petites filles noires ont dû attendre 2009 et la sortie de la princesse et la grenouille pour avoir enfin leur héroïne. «
« Peter Pan » (1953) et les Redskins. Ce héros volant a fait rêver toute une génération avec son pays imaginaire. Au cours de leurs aventures, les enfants perdus croisent la route des Redskins, des Amérindiens… au corps rouge. « Ces derniers émettent des bruits comme Étreinte !, éléments de langues fictives véhiculés par les westerns américains. Ce n’est qu’en 1995 que le dessin animé Pocahontas représente de manière plausible la culture amérindienne. «
Le Siamois de « La Belle et le Clochard » (1955). Cette idylle entre deux chiens n’est pas sans clichés. Lorsque le héros se retrouve à la fourrière, il est en compagnie de chiens représentant des habitants de différents pays, comme un lévrier russe ou un chihuahua mexicain. «C’était la vision américaine à l’époque. Seulement le film Coco, en 2017, met en valeur cette culture. L’un des réalisateurs a utilisé ses racines mexicaines. Au XXe siècle, il n’y avait pas de réalisateurs issus de minorités à Disney, d’où une représentation déformée », analyse Sébastien Durand qui note également les Siamois véhiculant des« clichés asiatiques »avec leurs dents avancées.
Le roi des singes du «Livre de la jungle» (1967). Dans ce dessin animé, le roi des singes s’évanouit en fredonnant du jazz. « Paresseux, ce personnage, surnommé par un afro-américain, se trouve qu’il ne parle pas très bien », observe Laurent Valière. Pour sa part, Sébastien Durand souligne qu’à l’origine «le studio devait penser qu’il mettait en avant la musique noire juste après le mouvement des droits civiques. Mais cette représentation d’un Afro-américain par un singe soulève des questions. Mowgli, un petit Indien, a été exprimé par le fils du réalisateur, un Américain avec une prononciation californienne! «
Alors Sébastien Durand estime que ces avertissements « ouvriront des débats au sein des familles ». «Depuis des années, les enfants souffrent de l’absence de héros à leur image», souligne le spécialiste qui s’empresse d’ajouter: «Les femmes, c’est-à-dire la moitié de l’humanité, n’ont pas été épargnées par leurs rôles aussi ringards. La belle et la bête, en 1991, de sorte qu’une héroïne intelligente ne dépend pas de son prince. Linda Woolverton, la première scénariste, s’était battue pour que Belle se passionne pour les livres. Les hommes voulaient la voir… dans la cuisine!