Propagation de Covid-19: pourquoi les restaurants et les bars sont des endroits à risque
Un verre siroté au comptoir, un plat du jour avalé à midi, une pinte à la main sur la piste de danse. Ce sont des souvenirs aujourd’hui. Combien de temps faudra-t-il pour vivre dans un monde sans restaurants, bars et cafés? Si le gouvernement doit voter la semaine prochaine sur un éventuel assouplissement de la restriction au commerce, ces lieux de vie, symbole de notre identité culturelle, pourraient eux-mêmes garder la porte fermée pendant encore plusieurs semaines, voire jusqu’au 15 janvier de moins, selon certains médias, bien après la réouverture des magasins. «Cela semble malheureusement assez logique, détaille Benjamin Davido, spécialiste des maladies infectieuses à Garches (Hauts-de-Seine). C’est dans les endroits où nous ne portons pas de masque que nous sommes le plus contaminés ».
Plusieurs études ont répondu à la question « où êtes-vous le plus susceptible d’attraper le virus? » « Et » tous disent la même chose « , note le médecin. Le plus récent, celui de l’Université de Stanford, publié il y a quelques jours dans la revue Nature, a permis d’analyser les mouvements de près de 100 millions d’Américains, à partir de leurs données mobiles, entre leur lieu de vie et différents types d’entreprises lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19. Résultat du classement, c’est dans les restaurants, clubs sportifs, cafés, bars et hôtels que le risque de contamination était le plus élevé. Rien qu’à Chicago, 85% des infections se sont produites dans 10% des lieux fréquentés par le public.
Difficile de respecter la distance physique
La même chose a été observée dans une autre enquête américaine, publiée en septembre par les Centers for the Prevention and Control of Diseases (CDC). On apprend que les personnes infectées étaient 2,5 plus susceptibles que les cas négatifs d’avoir fréquenté un restaurant et presque quatre fois plus susceptibles d’être allées dans un bar ou un café. «Non seulement on ne peut pas manger et boire avec un masque, mais en plus, ce sont des endroits fermés et dans les bars, la densité est importante. À mesure que l’alcool aide, au fur et à mesure que la soirée avance, le respect des distances physiques devient de plus en plus difficile », soutient l’épidémiologiste Pascal Crépey. C’est donc en parlant que nous crachons et infectons notre voisin.
Mais dès le début de l’épidémie, une question tourmente les scientifiques: comment expliquer que dans certaines situations, comme dans un restaurant, une personne attrape le virus sans être à côté d’un patient? Peut-être se sont-ils croisés lors du paiement de la facture? La réponse ne satisfait guère les chercheurs. «On a commencé à avoir des doutes, la seule prise en charge des postillons n’était pas suffisante», explique Pascal Crépey.
Endroits où nous restons longtemps
Les scientifiques pensent alors aux aérosols, ces fines particules contenant des virus, émis lorsqu’un patient parle et qui restent en suspension dans l’air, contrairement aux postillons. Et ils ont raison! Mais un détail sème encore le doute: les maladies transmises par aérosols sont généralement beaucoup plus contagieuses. Un cas de rougeole ou de coqueluche infecte une quinzaine de personnes contre trois pour Covid-19. Enfin, c’est une étude chinoise, publiée en septembre, qui attestera de cette thèse de la transmission aérienne. Elle rapporte qu’un voyageur, sans symptômes, a pourtant contaminé un tiers de son autocar mal ventilé. «Contrairement à la rougeole, il doit y avoir beaucoup de particules virales dans l’air pour transmettre Covid. Cela explique pourquoi la plupart des clusters décrits sont à l’intérieur et non à l’extérieur », note Pascal Crépey.
Qu’en est-il des autres lieux clos tels que le transport? «Contrairement aux restaurants et aux bars, on porte un masque, on parle peu et on n’y reste pas longtemps», fait valoir l’épidémiologiste, qui précise tout de même que «les terrasses ventilées pourraient être rouvertes». Pour le spécialiste des maladies infectieuses Benjamin Davido, toutes ces données devraient nous aider à ne pas commettre les mêmes erreurs qu’au printemps, surtout en cette saison «propice aux maladies respiratoires». «Il ne faut pas lâcher prise: si nous rouvrons les lieux publics où nous ne portons pas de masque, nous serons bientôt confrontés à une troisième vague».