Les trois points de la BCE sont la clé pour éviter une nouvelle crise de l’euro
L’écrivain est chef économiste du groupe Société Générale
La géographie économique de la zone euro est souvent définie en termes de « cœur » et de « périphérie », les rendements des obligations souveraines prenant le pas sur la hiérarchie de viabilité de la dette publique.
Alors que cette différenciation des marchés financiers est considérée comme souhaitable par certains pour motiver les parties à entreprendre des réformes et à réduire le niveau de la dette publique, la nécessité d’apprivoiser la nature procyclique des marchés obligataires a été une dure leçon apprise lors de la crise de la dette européenne du début des années 2000. vingt .
La crise énergétique actuelle en Europe a ouvert de nouvelles divisions, marquées par les parts des États membres dans les industries à forte intensité énergétique et par le degré de leur dépendance aux combustibles fossiles.
Selon ces mesures de puissance, l’Allemagne et l’Italie appartiennent à un groupe similaire, mais les similitudes s’arrêtent là. Les ménages italiens consacrent une part plus importante de leurs revenus à l’énergie que leurs homologues allemands. On peut soutenir que la forte proportion de très petites entreprises en Italie peut également constituer un désavantage. De plus, l’Allemagne et l’Italie restent aux extrémités opposées de la hiérarchie des rendements obligataires.
Veiller à ce que la géographie énergétique de l’Europe n’augmente pas la fragmentation de la région a déjà stimulé de nombreuses initiatives conjointes, pour remplir les réservoirs de gaz, réaliser des économies d’énergie, sécuriser l’approvisionnement et réduire la volatilité des prix.
Cependant, alors que les initiatives de l’UE incluent une certaine solidarité financière, la majeure partie des mesures visant à protéger les ménages et les entreprises ont été financées au niveau national et avec une grande disparité dans leur conception. L’Allemagne arrive en tête en termes d’euros disponibles, tandis que la France occupe la première place pour les mesures de régulation des prix. Ce dernier facteur est particulièrement évident sur l’inflation, avec une inflation globale de la consommation en novembre de 7,1% en France, contre 11,3% en Allemagne et 12,6% en Italie.
Étant donné que la crise énergétique en Europe ne sera probablement pas résolue rapidement, on craint qu’une divergence aussi marquée dans les mesures budgétaires ne devienne une source de fragmentation supplémentaire. Cela passera par plusieurs canaux.
En tête de liste figure le risque que les mesures de soutien budgétaire intensifient les pressions inflationnistes, incitant la Banque centrale européenne à resserrer davantage sa politique monétaire. C’est pour une bonne raison que la présidente de la BCE, Christine Lagarde, l’a répété à maintes reprises averti Que les mesures de soutien financier doivent répondre à un test en trois points – « temporaires, ciblés et conçus pour maintenir les incitations à consommer moins d’énergie ».
Selon les statistiques de la Commission européenne dans ses prévisions d’automne, 70 % des mesures prises dans l’Union européenne pour atténuer l’impact de la hausse des prix de l’énergie en 2022 entrent dans la catégorie « non ciblée ». Un nouveau resserrement significatif de la politique monétaire pourrait durcir indûment les conditions financières de certains pays membres. La semaine dernière, les rendements obligataires italiens se sont élargis alors que la Banque centrale européenne renforçait sa position belliciste.
Nul doute que la BCE avait ces risques à l’esprit lors de la conception de son nouvel outil de protection des transmissions. Cependant, on peut affirmer que cet outil d’achat d’obligations anticrise encore non testé ne peut être utilisé qu’en cas de perturbations majeures des marchés. Les coûts de broyage lents des finances « très modérément serrées » ne seront probablement pas contrôlés.
En outre, l’éligibilité au TPI inclut un examen du respect des règles financières de l’UE, qui doivent entrer en vigueur en 2024, bien que sous une forme révisée. Notez également que la manne fiscale dont de nombreux gouvernements ont initialement bénéficié grâce aux redémarrages économiques liés à la pandémie et à la forte inflation sera probablement de courte durée. Les États membres dont la dette publique est élevée pourraient constater que la marge de manœuvre budgétaire diminuera considérablement en 2024.
Une autre préoccupation est la compétitivité. La volonté du gouvernement national de soutenir les entreprises locales est compréhensible, tant pour protéger la compétitivité que pour empêcher la délocalisation vers des pays comme les États-Unis.
La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a récemment appelé l’Union européenne à modifier les règles en matière d’aides d’État en réponse au programme américain de subventions à l’énergie verte. Plusieurs États membres, dont la France, l’Italie et l’Espagne, ont appelé à davantage de cofinancement de l’UE. Le modèle ciblé et conditionnel du Fonds européen de relance en cas de pandémie de nouvelle génération fournit un bon modèle.
Il y a un dernier point de pure incertitude entourant les marchés européens de l’énergie dans une crise qui semble peu susceptible de trouver une solution rapide. Pour les entreprises, cette incertitude freinera les plans d’investissement. Le resserrement de la politique monétaire est peut-être la bonne option face à une inflation élevée, mais c’est la première fois que la Banque centrale européenne augmente ses taux d’intérêt de manière significative.
La Banque centrale européenne devrait également réduire son bilan à un rythme beaucoup plus rapide que la Réserve fédérale américaine, principalement en raison du remboursement des opérations de refinancement à long terme ciblées (TLTRO) au cours de 2023. La pandémie et une poussée pour stimuler prêts bancaires à l’économie réelle.
Alors que l’Europe risque de faire face à une crise énergétique prolongée, les trois points de la BCE ne sont pas seulement un mantra, mais une condition pour éviter une nouvelle crise de l’euro.