Les règles de la Chambre sociale française sur le barème de Macron et le licenciement arbitraire
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu ce jour deux arrêts très attendus concernant le barème d’indemnisation actuellement appliqué en cas de licenciement sans motif réel et sérieux.
Le barème dit « Macron » est issu d’un décret du 22 septembre 2017 (n° 2017-1387) et figure à l’article L. 1235-3 du Code du travail. Elle précise qu’en cas de licenciement considéré sans cause réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise. Si l’une ou l’autre des parties refuse cette restitution, le juge alloue au salarié une indemnité due par l’employeur dont le montant est compris entre le minimum et le maximum.
Ces montants sont exprimés en mois de salaire brut et dépendent du nombre de salariés dans l’entreprise et de l’ancienneté (en années entières) du salarié. Le barème est progressif et le montant maximum est de 20 mois pour les salariés ayant au moins 29 ans d’ancienneté.
Selon le gouvernement français, la mise en place du barème vise à accroître la prévisibilité et la sécurité de la relation de travail ou des effets de sa rupture pour les employeurs et leurs salariés. D’autres pays européens, notamment la Belgique, le Danemark, la Finlande, l’Allemagne, la Suisse et l’Espagne, ont établi des paramètres similaires.
La mesure française (notamment ses réparations maximales) a suscité de vifs débats autour de la question de son opposabilité, au motif qu’elle méconnaîtrait les règles internationales du droit des traités, notamment :
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l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT, ratifiée par la France en 1989, qui stipule que « les juridictions nationales sont autorisées à ordonner le paiement d’une indemnisation appropriée ou toute autre forme d’indemnisation jugée appropriée » ; Et
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L’article 24 de la Charte sociale européenne, qui exige que la législation nationale stipule « le droit des travailleurs licenciés sans juste motif à une indemnisation adéquate ou à une autre indemnisation appropriée ».
L’argument peut se résumer ainsi : Compte tenu des plafonds d’indemnisation auxquels le juge est tenu, la mesure ne permettra pas d’indemniser adéquatement un salarié licencié sans juste motif.
Le débat a donné lieu à plusieurs actions en France. La Cour de cassation a estimé, dans un avis en date du 17 juillet 2019, que la mesure était conforme à l’article 10 de la convention de l’OIT (elle a considéré à cette occasion que l’article 24 de la Charte sociale n’avait pas d’effet direct).
Malgré cet avis (qui n’a pas valeur de décision), plusieurs conseils de prud’hommes français ont décidé d’écarter le barème. Certaines juridictions ont déterminé que le barème n’est pas compatible avec le droit international (CPH d’Angoulême 9 juillet 2020 RG F 19/00184). D’autres, comme la Cour d’appel de Reims (25 septembre 2019, n° 19/00003), ont jugé que si la mesure n’est pas non conventionnelle, un réexamen de l’accord ne dispense pas le juge d’apprécier s’il ne porte pas atteinte de manière disproportionnée les droits du salarié en lui imposant des charges disproportionnées par rapport au résultat souhaité.
Puis les décisions de la chambre sociale étaient prédites. Lors de l’audience de la chambre du 31 mars, le premier procureur a proposé à la Cour de participer, à l’instar de la cour d’appel de Reims, à « En revue concrète« .
Ce n’est pas la voie qu’emprunte aujourd’hui la Cour de cassation française. En bref, la Cour de cassation :
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Comprendre les conventions d’échelle Vu l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT (disposition n° 654 : « Les dispositions des articles L. 1235-3, L.11235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail permettent le versement d’une une indemnisation appropriée ou une indemnisation réputée appropriée au sens de l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT. Il s’ensuit que les dispositions de l’article L.11235-3 du code du travail sont compatibles avec les dispositions de l’article 10 du précédent . Ladite Convention « )
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Refuse de s’engager dans une révision terminologique ConcrètementEt Contrairement aux suggestions du premier avocat général et à la position adoptée par la première chambre civile en 2013 (arrêt n° 654 : « En statuant ainsi, alors qu’il ne lui revenait que d’apprécier la situation concrète de la salariée à déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimum et maximum prévus à l’article L. 1235-3 du code du travail, la cour d’appel a violé les textes précités »)
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Refuse de reconnaître l’impact direct de la Charte sociale européenne (Règle n° 655).
Ainsi, la Cour de cassation a réaffirmé sans réserve la conventionnalité du barème Macron.
C’est une très bonne nouvelle pour les employeurs français.
Les décisions apportent déjà une sécurité juridique : les juges ne peuvent en principe pas s’écarter du barème et doivent évaluer les dommages-intérêts accordés dans les limites du barème.
Cela permettra-t-il cependant de mettre un terme aux discussions polémiques sur la non-conventionnalité de l’échelle ? Rien n’est moins certain que les prud’hommes pourraient bien décider d’ignorer ces décisions et risquer de voir leurs décisions annulées par les juridictions supérieures.
Cependant, ils devraient être plus réticents à le faire.
© 2022 Proskauer Rose LLP. Revue nationale de droit, volume XII, n° 131