Les montagnes de Pluton sont également enneigées, mais pas pour les mêmes raisons que sur Terre
- Montagnes enneigées sur Pluton. Le cliché de la sonde New Horizon est intrigant à plus d’un titre. Ce n’est pas de la glace d’eau, mais du méthane, l’un des gaz que l’on peut retrouver sous forme de traces dans l’atmosphère de la planète naine.
- Mais il reste à comprendre comment ce méthane a pu se condenser à cette altitude, sachant que, contrairement à ce que l’on sait sur Terre, les températures atmosphériques se réchauffent avec l’altitude sur Pluton.
- Des scientifiques du CNRS, dirigés par l’astrophysicien François Forget, se sont penchés sur ce mystère. La revue scientifique Nature Communication publie mardi les résultats de leurs recherches.
A gauche, la région «Cthulhu» de Pluton et à droite, les Alpes sur Terre. Les deux paysages sont très similaires. Dans les deux cas, des chaînes de montagnes avec des pics recouverts de glace.
Les images de la planète naine rapportées en 2015 par le sonde New Horizons n’ont pas fini de nous surprendre. C’est à partir de ceux-ci que les scientifiques ont développé la théorie de l’existence d’un
océan liquide sous la surface gelée de Pluton. Les images de New Horizons montrent également une grande diversité de paysages à la surface de la planète naine, avec parfois une ressemblance troublante avec ce que l’on peut trouver sur Terre.
Glace méthane
C’est donc le cas de ces sommets enneigés de la région du «Cthulhu», dont une équipe de scientifiques du CNRS dirigée par l’astrophysicien. François Forget, a tenté de percer le mystère dans une étude publiée mardi, dans Communications de la nature. «Nous savions que ce ne pouvait pas être de la glace d’eau comme sur Terre», explique François Forget. Il faut beaucoup trop de froid sur Pluton – environ -230 ° C à la surface – pour que l’eau se condense et soit présente sous forme de vapeur dans l’atmosphère. «
L’atmosphère de Pluton est essentiellement composée de‘azote ainsi que quelques traces de gaz qui peuvent se condenser. « Comme le
méthane, dit François Forget. C’est un peu l’équivalent de l’eau sur Terre, étant ce gaz qui peut se condenser pour former des nuages, de la neige, de la glace… »
La neige, pas pour les mêmes raisons que sur Terre
En d’autres termes, les neiges observées aux sommets des montagnes de la région de «Cthulhu» sont des neiges de méthane. Mais une fois cela dit, nous n’avons fait que la moitié. Il reste à comprendre comment cette glace est arrivée là-bas. «On aurait pu penser que le processus est similaire à ce qui se passe sur Terre», poursuit l’astrophysicien. Au fur et à mesure que l’air monte en altitude, il se refroidit et se condense [de vapeur d’eau, il retourne à l’état liquide sous forme de nuages, de brouillard, de brume, de gel…]. Mais sur Pluton, le phénomène est l’inverse. Les températures se réchauffent avec l’altitude. «
François Forget fait un parallèle avec le stratosphère, la deuxième couche de l’atmosphère terrestre. «Prenez un avion à 10 000 mètres d’altitude, vous verrez qu’il fait très froid, autour de moins 50 ° C», commence-t-il. Mais si vous passez dans la stratosphère, comme le permettent certains avions, vous constaterez soudain qu’il fait à nouveau très chaud, car l’ozone absorbe le rayonnement solaire. «
Sur Pluton, le méthane joue ce rôle. Et en captant le rayonnement solaire, il provoque des écarts de température importants entre la surface (à – 230 ° C) et «l’atmosphère, beaucoup plus chaude, jusqu’à -170 °», précise François Forget. Cependant, au fur et à mesure de leur ascension dans l’atmosphère, ces montagnes, à la surface toujours très froide, vont monter au contact de cet air plus chaud, chargé de méthane. Et c’est ce qui permettra à ce gaz de se condenser. Et ainsi de former cette couche de glace au sommet de ces montagnes.
Une couche de givre qui s’accumule
Il reste à voir quelle consistance à cette glace méthane. Pouvons-nous en prendre une poignée à pleine main comme nos glaces sur Terre? Pas facile de répondre à partir des images de New Horizons. «D’après les modèles de simulation du climat de Pluton que nous avons utilisés, nous pensons davantage que cette glace méthane se condense directement à la surface de ces montagnes», explique François Forget. En d’autres termes, il n’y aurait pas de chutes de neige, mais plutôt une forme de gel très épais qui s’accumule au fil des années. Cette couche est suffisamment épaisse pour que la surface en dessous ne soit pas visible. En revanche, il est très difficile de déterminer son épaisseur exacte. Probablement de l’ordre de quelques centimètres. «
Ces sommets enneigés de la région de «Cthulhu» ne sont qu’un petit bout du monde à découvrir qu’est Pluton. Beaucoup plus à l’est de la région de «Cthulhu», on rencontre donc des glaciers de méthane très épais, précise l’astrophysicien. Et dans un autre endroit encore un grand plafond sur l’azote polaire. «Notre objectif est de disposer d’une sorte de simulateur de la planète, basé sur des équations physiques universelles, au même titre qu’un modèle similaire existe pour la Terre et qui permet notamment d’étudier le changement climatique», précise François. Oublier. Avec l’idée derrière de comprendre comment les paysages de Pluton se sont formés dans un contexte complètement différent de celui que nous connaissons sur Terre. «