Désaccord entre les pays de l’UE sur la question de savoir si le nucléaire et le gaz sont « respectueux de l’environnement »
De nombreux pays d’Europe centrale cherchent à passer d’une énergie au charbon à forte intensité de carbone au gaz naturel.
Alexandra Beer/Getty Images
Quelques heures avant la fermeture de la fenêtre de dépôt des objections, les ministres de l’environnement et de l’énergie de l’Union européenne, réunis en France vendredi, étaient en profond désaccord sur la disposition de la Commission européenne classant l’énergie nucléaire et le gaz naturel comme « durables ».
Le débat oppose les pays menés par la France – où l’énergie nucléaire génère 70% de la première électricité mondiale – à l’Allemagne, l’Autriche et d’autres pays du bloc des 27 nations.
La polémique sur le soi-disant « classement » de la commission n’est pas à l’ordre du jour des pourparlers informels de trois jours à Amiens, mais elle a tout de même éclaté.
Fin décembre, la Commission européenne a dévoilé une classification qui classe les investissements dans l’énergie nucléaire à base de gaz comme durables, afin de favoriser les secteurs qui réduisent les émissions de gaz à effet de serre qui conduisent au réchauffement climatique.
L’énergie nucléaire est neutre en carbone et le gaz est moins polluant que le charbon. Les pays de l’UE avaient jusqu’à vendredi minuit pour proposer des amendements.
Ensuite, en tenant compte de ces suggestions, la commission doit « rapidement » publier un texte définitif qui sera adopté au bout de quatre mois. Son adoption sous sa forme actuelle semble plus que probable : il faudrait une majorité de députés au Parlement européen ou 20 des 27 États membres pour la faire dérailler, et la masse critique fait défaut dans les deux cas.
Lettre à la Commission exécutive européenne de certains députés protestant que le délai pour proposer des changements était trop court pour tomber dans l’oreille d’un sourd.
Parmi les États membres de l’UE, des dizaines ont soutenu la position de la France et la désignation proposée par la Commission.
De nombreux pays d’Europe centrale cherchent à passer d’une énergie au charbon à forte intensité de carbone au gaz naturel.
« L’énergie nucléaire est une énergie décarbonée », a déclaré à la presse la ministre française de l’Environnement, Barbara Pompele, à Amiens. On ne peut pas s’en priver en même temps qu’il faut réduire très rapidement les émissions de carbone. »
Malgré de forts vents contraires, la résistance aux armes nucléaires n’a pas reculé.
Ce n’est ni durable ni économique, a répondu le ministre allemand de l’Environnement, Stefan Tidow. « Ce n’est pas de l’énergie verte. »
Le Luxembourg et l’Autriche sont allés plus loin, menaçant de porter l’affaire devant les tribunaux si l’énergie nucléaire était certifiée durable, invoquant les risques d’accidents et le problème non résolu des déchets nucléaires.
« Ce sera du greenwashing », a déclaré à l’AFP la ministre luxembourgeoise de l’Environnement, Carol Deschburg.
« Et cela enverra un très mauvais signal : ce n’est pas de l’énergie de transition, cela prend trop de temps », a-t-elle ajouté, faisant référence aux retards dans la construction des réacteurs nucléaires.
Son homologue autrichienne, Leonor Gosler, a déclaré que l’étiquetage de l’énergie nucléaire comme durable « saperait la crédibilité de la notation » car elle ne répond pas à la norme légale de « ne pas nuire à l’environnement ».
La Commission de l’Union européenne a proposé une procédure qui obligerait les produits financiers à préciser le pourcentage d’activités financées qui incluent l’énergie nucléaire, une procédure transparente qui permettrait aux investisseurs d’hésiter s’ils le souhaitent.
Berlin a exprimé des réserves quant à la possibilité de rejoindre Vienne et Luxembourg dans une contestation judiciaire.
« Pour le moment, nous travaillons sur notre réponse, et lorsque la Commission présentera un nouveau texte, nous l’analyserons d’un point de vue juridique », a déclaré le ministre d’État allemand aux Affaires économiques et à l’Action pour le climat, Sven Giegold.
L’Autriche s’est également opposée à la classification du gaz comme durable, les Pays-Bas – qui soutiennent la désignation d’énergie nucléaire – affirmant qu' »il n’y a aucune raison scientifique d’inclure » le gaz. Le sous-secrétaire polonais à l’environnement, Adam Gyborg تشيitortinski, n’était pas d’accord.
« Le gaz remplace le charbon parce qu’il n’y a rien de mieux à court terme, ce qui est logique », a-t-il déclaré.