Covid-19: les autorités sanitaires valident le test salivaire de Montpellier … mais pas pour tout le monde
La Haute Autorité s’est prononcée samedi 28 novembre en faveur de l’utilisation pour les personnes symptomatiques. Les chercheurs contestent les réserves qui freinent un déploiement plus large.
Favorable mais … La Haute Autorité de Santé (HAS) a rendu samedi un avis tant attendu sur l’intérêt du test salivaire EasyCoV à Montpellier pour détecter le Covid-19, résultat d’une recherche menée par le CNRS via la start- up SkillCell, avec le CHU de Montpellier qui a ouvert son centre de dépistage pour les études cliniques. Très prometteur selon ses auteurs, impatients et circonspects (1) face aux retards de la HAS ces derniers mois.
La Haute Autorité est moins enthousiaste. Elle recommande, avec de nombreux freins. Il valide ainsi l’utilisation du test salivaire EasyCoV et autorise en fait son remboursement par la sécurité sociale, mais uniquement chez les sujets symptomatiques, « pour lequel le prélèvement nasopharyngé est impossible ou difficile à réaliser ». L’échantillon doit être prélevé par un biologiste, EasyCoV ne se retrouvera pas en pharmacie, à l’instar des tests antigéniques aux recommandations étendues parallèles, malgré leurs imperfections (lire ci-contre). Les enjeux sont importants car le marché est colossal.
Pas pour les personnes asymptomatiques
Si le test est positif, la HAS recommande également « réaliser un contrôle par un test RT-PCR sur échantillon de salive ». Si l’appareil, non invasif, astucieux, doté d’un code couleur, et innovant, a séduit la HAS, avec son automate miniaturisé qui traite l’échantillon et l’analyse en une trentaine de minutes « contre au moins plusieurs heures pour la RT-PCR », ses défauts nous empêchent désormais d’aller plus loin.
« La sensibilité du test EasyCoV est satisfaisante pour les patients symptomatiques (84%). En revanche, la spécificité ne l’est pas: avec 92%, elle est inférieure à la performance minimale requise par la HAS », il recommande une sensibilité de 80% et une spécificité de 99%.
Autrement, «Le manque de données cliniques robustes sur les performances des personnes asymptomatiques ne permet pas de le recommander à ce stade dans cette situation», estime la HAS.
« Le test est plus efficace que la HAS prétend qu’il s’agit d’une malhonnêteté intellectuelle », fulmine Jacques Reynes, chef de l’unité d’infectiologie du CHU de Montpellier, où le test a été évalué et équilibré avec deux autres techniques, la PCR nasopharyngée et la PCR salivaire. Avec Franck Molina, le chercheur CNRS patron du laboratoire montpelliérain Sys2Diag, qui a développé le procédé technologique, il avance d’autres résultats plus favorables, à condition, assurent-ils, à la HAS.
« Sur 488 sujets testés, dont 443 qui sont allés à la campagne de dépistage du CHU – les autres ont été hospitalisés –, on obtient une sensibilité de 86 % et une spécificité de 99,5 %. Chez les personnes symptomatiques, 263 sujets, les chiffres sont respectivement de 84 % et 99.03 %. Parmi les sujets asymptomatiques, 183 sujets, 93 % sensibilité, 100 % spécificité « .
Le débat technique (2) fait l’objet de polémiques, sur la transmission des données, leur fiabilité. Le CHU de Montpellier et le CNRS prévoient de contre-attaquer la semaine prochaine. Samedi, c’est la HAS qui a eu le dernier mot via son président, Dominique Le Guludec, et le chef du service d’évaluation, le docteur Cédric Carbonneil: « EasyCoV devra confirmer ». « Dès que nous disposons de données plus solides, nous changeons d’avis », souligne le professeur Le Guludec.
Franck Molina, « abasourdi par la mauvaise foi scientifique et intellectuelle de la HAS », a joué l’apaisement hier: « On a le feu vert, c’est toujours une très bonne nouvelle, on verra ce qui va se passer ensuite. Et ils ont fini par dire » oui « à la salive, c’est un premier pas ».