Comment la Nouvelle-Zélande a-t-elle «battu à nouveau» l’épidémie?
- La Nouvelle-Zélande a été confrontée à deux vagues de Covid-19, qui ont causé un total de 25 décès sur 5 millions de personnes.
- Ce mercredi, les habitants d’Auckland pourront reprendre une vie normale, sans masques ni restrictions de rassemblements.
- Comment cet archipel a-t-il « vaincu le virus », selon les propos de son Premier ministre? Deux confinements, des frontières fermées, quatorze imposés à tous les ressortissants néo-zélandais … Mais ce choix de sécurité sanitaire n’entraîne pas de préjudice économique.
« Ce soir, nous allons au » niveau 1 « , donc plus de masques obligatoires dans les transports, l’application pour retracer nos déplacements et les restrictions de rassemblements », se réjouit Julie, 36 ans, expatriée française en Auckland.
Ce mercredi, c’est enfin le retour à la normalité pour les habitants de la ville la plus peuplée de Nouvelle-Zélande. Lundi,
Jacinda Ardern, le Premier ministre, a affirmé que son pays avait « de nouveau vaincu le virus ». Une victoire qui attire l’attention de nombreux pays confrontés à une deuxième vague de
Covid-19.
La meilleure réponse à Covid-19?
« Le magazine américain Police étrangère publié un classement des pays du monde qui ont le mieux géré la crise… et la Nouvelle-Zélande vient en premier! », Résume Anne Sénéquier, médecin et codirectrice de
Observatoire de la santé mondiale à la
Institut des relations internationales et stratégiques (Iris). Un tri basé sur trois facteurs: les directives de santé publique, le budget engagé et la communication à la population. En effet, cet archipel du Pacifique Sud et son Premier ministre médiatique impressionnent. Le bilan, pour le moment, s’élève à 25 décès dus au Covid-19 et à moins de 1 900 cas chez 5 millions d’habitants.
Il faut dire que les mesures étaient drastiques. Frontières fermées en mars, sept semaines de confinement national et strict entre mars et mai. «Les Néo-Zélandais étaient très unis et très sérieux lors de l’accouchement, reconnaît Julie, mère d’une petite-fille franco-kiwi de 2 ans. Le gouvernement a également mis en place une application – l’application NZ COVID Tracer – pour retracer tous les contacts d’une personne infectée. Chaque entreprise, chaque magasin, chaque restaurant a l’obligation d’afficher un QR Code à l’entrée et chaque personne doit scanner avant d’entrer dans un lieu. Le gouvernement connaît donc toutes nos actions! La communication du gouvernement a été bonne avec une conférence de presse quotidienne avec Jacinda Ardern et Ashley Bloomfield, représentant les services de santé. «
Dans les hôpitaux aussi, il y avait une agitation. Hari, le mari de Julie, a travaillé comme néphrologue à l’hôpital public d’Auckland pendant sept ans. Il explique que les soignants et les gestionnaires n’ont ménagé aucun effort. «Nous avions mis en place de nombreux plans d’urgence avant même que le Covid-19 n’atteigne nos côtes. Avec des salles d’isolement dédiées pour soigner les patients infectés ou soupçonnés d’être infectés. Les opérations non urgentes ont été suspendues. De nombreuses consultations ont été faites par téléphone ou vidéo. Les visites étaient limitées et les personnes autorisées à entrer à l’hôpital ont laissé leurs coordonnées pour la recherche des contacts et ont été examinées. Les agents qui avaient des problèmes de santé pouvaient continuer à télétravailler. Hari et ses collègues n’ont pas eu à faire face à une pénurie de matériel ou à un afflux incontrôlable de patients.
Deuxième vague plus compliquée
Mais mi-août, après 102 jours sans aucune contamination, de nouveaux cas de Covid-19 poussent le Premier ministre à prendre une décision difficile: imposer un recentrage à Auckland. Certainement moins stricte: restaurants et magasins ouverts, masques recommandés, mais pas imposés à l’extérieur… «La deuxième vague nous a pris un peu par surprise, admet Julie. Il a été annoncé un mardi soir pour une reconfiguration à midi mercredi. Je pense que ça fait beaucoup de mal au moral! «
Au point que des critiques sont apparues vis-à-vis du Premier ministre, qui jouait pour la réélection avec des élections législatives reportées au 17 octobre. « J’ai eu l’impression que la campagne électorale était beaucoup plus invitée dans les discussions autour de la seconde l’enfermement, mêlé à la lassitude des gens », poursuit-elle. Tout le monde savait bien qu’après les efforts du premier endiguement, c’était à Jacinda de ne pas perdre la bataille du Covid, si proche des élections. La deuxième vague a été moins forte, avec quatre décès.
Début septembre, Auckland est revenue au niveau 2, donc à un déconfinement progressif. Et ce mercredi, l’alerte est terminée. Les kiwis vivent avec un nouveau sentiment de sécurité qui est rare en ces temps de pandémie. Le 18 octobre, les supporters pourront même encourager les All Blacks contre l’Australie dans un stade bondé! «Tout le monde est très heureux de pouvoir se retrouver, de programmer des week-ends et des événements, se réjouit Julie. Cela faisait six mois que tout avait été annulé… »Mais si la vie retrouve ses droits et les agendas recommencent à se remplir, ce n’est pas encore un vrai retour à la normalité pour Hari et Julie. «Le plus dur en tant qu’expatrié n’est pas le Covid, mais le manque de visibilité sur l’ouverture des frontières, reconnaît ce dernier, dont la famille vit en France et les beaux-parents en Inde. Il y a peu de chances que nous puissions voyager avant la fin de 2021, voire le début de 2022. Nous croisons les doigts pour que rien de grave ne se passe en Inde ou en France… »
Les atouts du pays
Comment ce pays a-t-il réussi à sortir de l’épidémie? «Ils ont utilisé les outils dont nous disposons tous dans notre arsenal thérapeutique: distanciation sociale, ventilation des locaux, applications comme Stop Covid, liste Anne Sénéquier. Ce qui les distingue, c’est une forte confiance en leur exécutif, que l’on retrouve dans les pays scandinaves, en particulier la Suède. Et lorsque la confiance est rompue, les décisions sont rapides à venir. Le ministre de la Santé, David Clark, a donc été contraint de démissionner car il s’était permis d’aller à la plage avec sa famille en avril … ignorant l’enfermement imposé au pays.
Cependant, la Nouvelle-Zélande ne peut pas exporter ce «modèle» car il présente des avantages importants. «La Nouvelle-Zélande est une île, il est donc beaucoup plus facile de fermer les frontières», rappelle Anne Sénéquier, chercheuse. Étant au bout du monde, il est situé en dehors des hubs aéroportuaires et des principales voies de communication internationales. «
«Nous avons également une faible densité de population (18 habitants au km2, contre 122 en France), ajoute Hari. Cela a rendu la distance physique plus facile. En outre, le gouvernement a fourni gratuitement de la nourriture et un hébergement dans les grands hôtels aux expatriés de retour en Nouvelle-Zélande. Cela a aidé à isoler les cas potentiels, même si cela a coûté beaucoup d’argent aux contribuables… »
Quelles limites à cette politique?
Si Jacinda Arvern a tout intérêt à revendiquer la victoire aujourd’hui, Anne Sénéquier est moins optimiste. «Tant que le virus circule dans le monde, on ne peut pas dire que c’est fini. Le Covid-19 est en plein essor en Asie du Sud, l’Indonésie, qui n’est pas si loin, ne réagit pas à temps. Cela signifie qu’il existe un réservoir de contamination et qu’il faut rester vigilant. «
De plus, il est clair que le choix de la sécurité sanitaire s’est fait au détriment de l’économie. Deux accouchements en moins de six mois, c’est beaucoup. Et le PIB en pâtit: avec une baisse de 12,2%, la Nouvelle-Zélande traverse désormais une récession historique. «Le pays était bien parti après le premier confinement, donc d’un point de vue économique, la reconfiguration a été un coup dur, notamment pour le tourisme et la restauration / hôtellerie», illustre Julie, agent immobilier et chef de projet. D’autres secteurs, qui dépendent de travailleurs étrangers, risquent également d’en souffrir. En particulier, la récolte des kiwis et des cerises, généralement effectuée par des travailleurs saisonniers des îles du Pacifique.
Mais surtout, ce choix d’une politique qui ressemble à la «Stop-and-go», alternance de période d’accouchement et de retour à la normale, ne peut être durable. «A terme, on ne peut pas confiner la plus grande ville du pays, nuance Anne Sénéquier. Cela peut être la limite du système. La Nouvelle-Zélande peut-elle s’exclure du monde pendant deux ans? Avec les conséquences que l’on peut imaginer sur l’économie, sur les étudiants, voire sur la santé de ceux qui seront fragilisés par la crise économique? «
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