Câble ou fibre? SFR condamné à clarifier les choses à ses clients
CAPITAL EXCLUS
Certains clients de SFR recevront bientôt une étrange lettre. Cette lettre leur indiquera qu’ils peuvent résilier unilatéralement leur abonnement. C’est ce que la cour d’appel de Paris a ordonné à l’opérateur télécom jeudi 8 octobre. Et la filiale d’Altice a intérêt à obéir, car sinon elle devra payer 500 000 euros par jour de retard… Explication: la justice considère que l’opérateur avec le carré rouge n’a pas correctement informé ses clients sur le réseau utilisé pour les connecter. En effet, pour les derniers mètres au client, SFR utilise parfois la fibre optique, mais souvent le câble coaxial, du réseau câblé de Numéricable acquis en 2014. Cependant, le câble coaxial offre un débit inférieur à la fibre. Malgré cela, plusieurs offres SFR utilisent le mot fibre: «Fibre de boîte», «Fibre rouge»… Ses publicités mentionnaient même une «box directement connectée à la fibre optique». En janvier 2018, le tribunal de commerce, saisi par Free, avait donc ordonné à SFR de clarifier les choses avec ses clients connectés par câble coaxial mais ayant souscrit à une offre contenant le mot fibre. L’opérateur de Patrick Drahi a été condamné à «informer ces clients qu’ils bénéficient d’une possibilité de résiliation unilatérale avec effet immédiat, en raison du manque d’informations sur les caractéristiques exactes».
Furieux, SFR avait interjeté appel et demandé que le jugement du tribunal de commerce ne soit exécuté qu’après le prononcé de l’appel. Mais la justice lui avait ordonné d’obéir immédiatement. Contraint et forcé, l’opérateur l’a finalement fait, mais à contrecœur. À Noël 2018, il a envoyé un message à ses abonnés ne faisant aucune référence à la décision du tribunal et intitulé: «Le saviez-vous?» (voir photo ci-dessous). A la fin de cette lettre, en très petits caractères d’un millimètre de hauteur, était indiqué: «Faute d’informations préalables sur les caractéristiques exactes de votre offre FTTB lors de votre souscription, vous pouvez mettre un terme à ce contrat». SFR a notamment oublié de dire que la résiliation était sans préavis et avec effet immédiat …
Insatisfait, Free est donc revenu voir la justice pour lui demander de réprimer à nouveau. SFR a alors plaidé que l’abonné «déduisait nécessairement» de son texte que la résiliation était immédiate. Mais la Cour d’appel a estimé que «l’injonction n’a pas été respectée, dans la mesure où la mention n’est faite qu’in fine et en bas de page d’un document dont le but est d’informer les abonnés sur leur connexion, et non sur leur possibilité de résiliation leur contrat. Les informations données sont moins lisibles que le reste du document, en raison de la réduction des caractères utilisés ».
Autre problème: dans son message, SFR utilise à plusieurs reprises le mot «fibre», mais aussi le terme FTTB (fibre jusqu’au bâtiment), défini comme suit: «Votre ligne à très haut débit utilise la technologie FTTB (fibre jusqu’au pied du bâtiment) avec une terminaison de câble coaxial. La fibre optique, longue de plusieurs kilomètres, s’arrête à un nœud optique, la plupart du temps situé dans une armoire de rue ou dans une boîte en bas. ‘un bâtiment. Nous utilisons ensuite un câble coaxial pour acheminer la connexion jusqu’à votre maison. »Cela n’a pas plu à la Cour d’appel, qui a jugé que SFR avait utilisé« à tort »le terme FTTB. Dans ce cas, la fibre s’arrête «dans une armoire de rue et non en bas du bâtiment, ce qui ne correspond pas à la FTTB», rappelle le tribunal.
Mais ce n’est pas tout. En janvier 2018, le tribunal de commerce a également ordonné à SFR de fournir plusieurs autres informations à ses clients fibre «vrai-faux». Jeudi, la cour d’appel a jugé que SFR n’avait pas non plus respecté cette injonction (voir ci-dessous).
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Pour se défendre, SFR avait défendu l’idée que ce débat technologique n’avait aucun intérêt du point de vue du client: «les consommateurs ne demandent pas la technologie mais le très haut débit en général. Peu importe donc que le réseau ne soit pas une fibre de bout en bout, mais se termine par une liaison coaxiale ». Mais le tribunal de commerce n’a pas été convaincu. Pour lui, les offres de SFR «omettaient de mentionner l’une des qualités substantielles du service, à savoir la terminaison coaxiale finale. Le comportement des consommateurs peut donc avoir été modifié en raison de leur certitude de souscrire à des offres utilisant la technologie très haut débit la plus efficace techniquement. L’utilisation du terme «fibre» dans les offres incriminées constitue donc un manque d’information constituant une pratique contraire au code de la consommation ». Le tribunal avait donc condamné SFR à verser un million d’euros de dommages et intérêts à Free – loin des 52 millions réclamés par l’opérateur de Xavier Niel.
Pour mémoire, l’utilisation du mot «fibre» a fini par être réglementée par un arrêté Ministérielle du 1er mars 2016. Cet arrêté précise que, lorsque la connexion de l’abonné se fait par câble coaxial, toute mention du mot fibre doit être suivie (de même taille) de la mention «hors connexion domestique». Par ailleurs, les publicités doivent préciser que «le raccordement domestique n’est pas en fibre optique mais en …» SFR a contesté ce décret via un recours au Conseil d’État et un problème prioritaire constitutionnalité, arguant qu’il s’agissait d’une aide d’État et d’une «atteinte à la liberté d’expression» (sic), mais en vain.
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Cependant, dans sa communication financière, SFR continue de qualifier de «clients fibre» ses abonnés connectés en fibre au domicile (FTTH), au bâtiment (FTTB), et même ceux disposant d’une connexion sans fil 4G … Juin, l’Altice filiale revendique ainsi 3,1 millions de «clients fibre». En termes de maisons connectables, l’opérateur revendique 17,5 millions de prises FTTB et FTTH, dont moins de 9 millions en FTTB. Quant aux prises pouvant être connectées en FTTH, elles sont réparties entre leurs propres prises (2,6 millions selon l’Arcep), ceux en co-investissement avec un autre opérateur, et ceux loués.
Contacté, SFR a refusé de commenter.
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Les injonctions adressées à SFR
- Informer les abonnés qu’ils bénéficient d’une possibilité de résiliation unilatérale avec effet immédiat, en raison du manque d’informations sur les caractéristiques exactes de leur connexion: la Cour d’appel a considéré que l’injonction n’était pas respectée
- Indiquez aux abonnés la vitesse moyenne observée sur la ligne: la lettre de SFR indiquait à chaque abonné, non pas la vitesse moyenne, mais la vitesse maximale, et la renvoyait à un site Web permettant de mesurer son débit instantané. La Cour d’appel a jugé que l’injonction n’avait pas été respectée: «Cette information n’est pas satisfaisante dans la mesure où elle est communiquée des flux à un instant donné en utilisant un test de connexion, et non des flux. moyens exigés par le tribunal de commerce ».
- Indiquez à quelle distance du point de connexion fibre optique se trouve l’abonné: la lettre de SFR indique: «la distance moyenne vous séparant du nœud optique est généralement comprise entre 100 et 500/750 mètres.» SFR a fait valoir qu’elle ne pouvait pas fournir une distance plus précise. La cour d’appel a jugé que l’injonction n’avait pas été respectée car les informations fournies étaient imprécises.
- Indiquez le nombre d’abonnés partageant le même lien câble coaxial: la lettre de SFR indique: « comme pour la technologie FTTH, plusieurs abonnés sont connectés au nœud optique près de chez vous afin de vous connecter au cœur de notre réseau. Vous êtes X abonnés connectés sur le même nœud optique ». Free a fait valoir que ce libellé est trompeur car il suggère qu’un câble coaxial est dédié à chaque abonné. Mais la cour d’appel a considéré que l’injonction était respectée
- Indiquez dans sa communication la technologie utilisée pour connecter l’abonné et, si le mot fibre est utilisé, spécifiez où s’arrête la fibre dans le réseau. Interdire «toute publicité nationale présentant son réseau comme une infrastructure technologiquement homogène»: l’exécution de cette injonction n’a pas été contestée