Vaccin contre Covid-19: des débuts qui donnent un nouvel espoir
«Et toi, tu te ferais vacciner? N’as-tu pas peur d’être un cobaye? Ces petites phrases résonnaient autour des tables de Noël, toujours avec le même argument, nous manquons de recul, trop peu ont été vaccinés …
Trop peu, vraiment? Aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Suisse, en Serbie, en Israël, à Dubaï, au Mexique, ce sont désormais près de 5 millions de personnes qui ont déjà reçu l’injection anti-Covid. C’est l’équivalent de toute l’Irlande, des trois pays baltes réunis ou d’une ville comme Brasilia. Comme toute l’Europe, la France, qui tient ce mardi un Conseil de défense, a lancé sa campagne ce dimanche.
«L’expérience des pays étrangers peut nous rassurer, les vaccins sont sûrs», s’interroge immédiatement Dominique Deplanque, professeur de pharmacologie à Lille (Nord), aligné avec ses confrères. Bien entendu, il n’est pas question pour lui de nier la poignée d’effets secondaires inattendus: quelques réactions allergiques sévères outre-Manche et Atlantique, appelées dans le jargon choc anaphylactique.
«C’est huit cas sur plusieurs millions», proclame Anne Sénéquier, experte en santé publique. «Cela a déclenché un petit avertissement, concède l’infectiologue Jean-Daniel Lelièvre, mais on parle de personnes qui avaient déjà des allergies graves, ce genre d’événement n’arrive pas tous les quatre matins. «Dans la foulée, la Haute Autorité de Santé (HAS) a déconseillé la vaccination pour ces profils particuliers.
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«Pour le reste, rien de nouveau par rapport aux effets classiques observés dans les essais cliniques, fatigue passagère, un peu de douleur au site d’injection, fièvre modérée», rapporte Stéphane Paul, immunologiste au CHU de Saint-Etienne (Loire) et membre de le Comité des vaccins Covid-19. Quant aux quatre cas de paralysie faciale temporaire, ils ont été identifiés, sans qu’un lien avec les injections puisse être définitivement établi. «Pour mémoire», poursuit le professeur Paul, «chaque vaccin en développement a été testé sur près de 40 000 personnes, ce qui n’est pas une mince affaire. «
Profils génétiques similaires
De plus, quand on demande aux médecins s’ils sont rassurés par l’expérience internationale, ils répondent qu’ils étaient déjà rassurés par le grand nombre de participants aux essais cliniques. «Ils nous ont permis de voir beaucoup de choses. Mais la vaccination réelle nous en apprend encore plus. Par exemple, voyez si de nouveaux inconvénients apparaissent à partir de 100 000 ou 1 million de vaccinés. Pour le moment, ce n’est pas le cas », s’enthousiasme Bruno Lina, virologue et membre du conseil scientifique, chargé d’éclairer le gouvernement sur la crise sanitaire.
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Et si les spécialistes regardent avec autant d’attention ce qui se passe chez nos voisins, c’est aussi pour savoir à quoi s’attendre: «Plus d’un million de vaccinés en Angleterre et 2 millions aux États-Unis, sans problème… Sachant que nos profils génétiques sont très proche, il n’y a aucune raison d’avoir peur. S’il y avait beaucoup d’effets secondaires en France, ce serait incompréhensible », projette le pharmacologue Dominique Deplanque.
Tous les pays jouent-ils la carte de la transparence, partagent-ils leurs premiers résultats? Avec ses doses de Spoutnik V, la Russie a été l’une des premières au monde à inaugurer le ballon de vaccination début décembre. «Nous n’avons aucune donnée d’eux, et nous ne le ferons pas. Ce n’est pas une question scientifique, mais géopolitique », prévient le professeur Lina. Concernant la Chine, le pays n’a pas encore terminé ses tests car déjà les vaccins expérimentaux sont injectés. «Cela n’arriverait jamais en France. On ne peut pas précipiter des événements comme celui-ci », s’exclame l’immunologiste Stéphane Paul.
Si l’Europe a promis une transparence totale, il reste des questions auxquelles seul le temps répondra. « Le vaccin sera-t-il efficace au fil du temps? » Pour briser les chaînes de transmission, il faut au moins six mois à un an, estime Anne Sénéquier, co-directrice de l’observatoire de la santé mondiale à l’Institut des relations internationales (Iris). Évitera-t-il d’être contagieux ou empêchera-t-il seulement les formes sévères de la maladie? Ce n’est pas du tout la même chose et il faudra le savoir rapidement pour adapter notre stratégie contre le virus. «
Surveillance renforcée en France
En France, ces questions se posent d’autant plus que si quelques personnes se sont fait vacciner en public ce dimanche, dont Mauricette, la toute première des 78 ans, la vraie campagne dans les maisons de retraite commence cette semaine. Et à mesure que la lourde machine logistique entre en jeu, la surveillance des effets secondaires se durcit. «L’enjeu est immense, on ne peut pas se manquer», lâche Bruno Lina.
En plus d’un suivi renforcé par les autorités sanitaires, un nouveau dossier dénommé «SI Vaccin Covid» vient d’être créé pour identifier les personnes éligibles à la vaccination. «Mais il y a un effet sur lequel la science n’a aucun contrôle, c’est le doute du public, s’inquiète le professeur Stéphane Paul. On peut fabriquer le meilleur vaccin au monde, si les Français ne l’acceptent pas, ça ne marchera pas. «