Quel scénario pour la transition entre Donald Trump et Joe Biden?
- Joe Biden prêtera serment le 20 janvier le jour de l’inauguration et deviendra officiellement le 46e président des États-Unis. D’ici là, la période de transition entre les deux camps s’annonce très tendue.
- « La législation américaine fixe un cadre clair pour le transfert de pouvoirs entre un président sortant et son successeur à la Maison Blanche », explique Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’université Paris-II, et spécialiste des Etats-Unis.
- « La transition administrative pourrait être fortement perturbée » dans la mesure où Donald Trump « pourrait privilégier ses intérêts personnels et sa défense », estime un rapport publié par le « Transition Integrity Project ».
« Nous l’avons fait! »Après quatre jours de suspense, Joe Biden a été élu président les États Unis. Il sera assermenté le 20 janvier à laJour d’inauguration et deviendra officiellement le 46e président américain. Une victoire, à présent, qui
Donald Trump ne reconnaît toujours pas. Après une campagne tendue ponctuée d’attaques personnelles, l’attitude et les déclarations du président sortant suggèrent que la transition – qui constitue traditionnellement une période de coopération entre les deux dirigeants – sera sous tension.
Au-delà des appels à venir, la période de transition qui s’ouvre s’annonce très compliquée. » Dans le système politique américain, cette transition est un moment particulièrement sensible, où une étroite collaboration entre les équipes sortantes et entrantes doit assurer la continuité dans la conduite des affaires du pays. Donald Trump a laissé entendre à plusieurs reprises qu’il se réserverait le droit de s’écarter de cette règle démocratique », explique 20 minutes
Jean-Eric Branaa, maître de conférences à l’Université Paris-II, spécialiste des États-Unis et auteur d’une biographie sur Joe Biden.
Une action en justice pourrait-elle «retarder» la transition?
Il y a maintenant 74 jours de période de transition avant l’investiture du nouveau président des États-Unis. « La loi américaine établit un cadre clair pour le transfert de pouvoirs entre un président sortant et son successeur à la Maison Blanche. Pour avoir accès aux informations des agences fédérales, il faut une décision administrative qui déclenche le processus de transition », rappelle Jean-Eric Branaa. Mais Donald Trump, qui n’a pas concédé la victoire à son adversaire,
déclarant plutôt que l’élection était « loin d’être terminée », n’est pas prêt à lancer cette procédure. Ses équipes ont également lancé plusieurs actions en justice pour obtenir un nouveau décompte des voix dans plusieurs États décisifs.
« Une longue bataille juridique retarderait le début de la transition, et cela pourrait être dangereux », a déclaré une source républicaine au Congrès. » Donald Trump n’ayant pas beaucoup de manœuvre, il tentera peut-être de retarder les choses, d’empêcher l’accès à certaines administrations ou de reporter la transmission de certains fichiers », ajoute Jean-Eric Branaa, auteur de Joe Biden. L’homme qui doit réparer l’Amérique (Nouvelle édition du monde). Dans un article publié vendredi, le New York Times a souligné que l’équipe de Joe Biden s’était préparée à plusieurs éventualités, au cas où Donald Trump ne reconnaîtrait pas sa défaite et que son administration refuserait de coopérer.
Comment l’équipe de Biden se prépare-t-elle à son arrivée au pouvoir?
Dans les coulisses, la passation est en cours de préparation. L’équipe de Joe Biden s’est déjà mis au travail. << Les États-Unis, pour limiter les risques de politisation de cette transition potentiellement délicate, ont adopté une loi, le Presidential Transition Act, ce qui donne aux hauts responsables de carrière un pouvoir significatif sur le transfert de données et d’expertise à l’équipe du président élu, comme les briefings quotidiens des agences de renseignement », explique Jean-Eric Branaa. « C’est aujourd’hui au démocrate Tef Kaufman – auteur d’une loi édictant les règles à suivre pour la passation de pouvoir entre deux présidents – de coordonner ce travail de transition pour Joe Biden ».
Sous l’adresse buildbackbetter.com [tiré de son slogan de campagne], L’équipe de transition de Joe Biden et Kamala Harris a déjà mis en place son site Internet. Depuis juin, elle a formé une équipe d’une centaine de personnes, composée d’anciens responsables de l’administration Obama et de responsables du Parti démocrate de tous bords. «Joe Biden est déjà briefé, depuis cet été, par les services de renseignement. C’est maintenant à lui de former un gouvernement, de nommer quelque 4 000 personnes à des postes clés (dont 1 200 doivent être confirmés par le Congrès) et de préparer les premiers jours du président nouvellement élu », ajoute le conférencier à la conférence. Université Paris-II. Certains membres du futur gouvernement pourraient être annoncés
de la période de Thanksgiving, fin novembre, estime certains journalistes américains.
Donald Trump jouera-t-il la politique du chaos?
« La transition administrative pourrait être fortement perturbée » dans la mesure où Donald Trump « pourrait privilégier ses intérêts personnels et sa défense », estiment aujourd’hui les experts du Projet d’intégrité de la transition (un groupe composé d’anciens gouvernement bipartite et de politiciens, d’universitaires et de journalistes), qui ont étudié et publié une série de scénarios interrogeant le risque d’une transition rendue chaotique par un président qui refuse sa défaite. Donald Trump pourrait tout d’abord être tenté par «prendre l’argent et courir». Ce serait à lui de préserver
ses intérêts financiers en injectant des fonds fédéraux dans ses propres affaires, « en négociant des accords avec des pays étrangers », ou en détruisant « des documents susceptibles d’impliquer des gouvernements étrangers et des partenaires financiers », disent les auteurs du rapport.
Des « amnisties massives » pour Donald Trump et ses proches seraient également susceptibles d’être signées par son vice-président Mike Penceou même par lui-même, afin de protéger l’administration actuelle contre des poursuites ultérieures. Jusqu’à la veille de la remise, « le locataire de la Maison Blanche pourrait même ordonner la destruction de certains éléments de preuve susceptibles d’alimenter les poursuites, ou de classer de nombreux documents », estime le rapport de la Projet d’intégrité de la transition. Un scénario auquel Jean Eric Branaa ne souscrit pas tout à fait. «Il est très peu probable – et surtout impossible – que Donald Trump puisse« saboter »cette transition de cette manière. Tout document ou post-it qui sort de la Haute Administration américaine est automatiquement envoyé aux archives nationales. Lorsqu’une nouvelle équipe arrive, les bureaux ou les tiroirs ne sont pas vidés, comme cela peut être le cas dans d’autres pays.
États Unis, c’est une autre façon de travailler, une autre démocratie », rappelle le spécialiste de la politique américaine.