« Les biologistes évolutionnistes ont échangé leurs billets d’avion pour les tropiques contre un abonnement aux transports publics »
Tribune. L’évolution est souvent comprise comme le processus qui, sur des milliers d’années, aboutit à l’apparition de nouvelles espèces. Elle repose en fait sur une succession désordonnée de changements sur des échelles de temps courtes: microévolution, dont le moteur est la sélection naturelle ou le tri par l’environnement des individus les plus efficaces. Lorsque les individus portent des changements héréditaires qui leur permettent de mieux survivre ou de mieux se reproduire, ces changements se propagent rapidement dans la population, et nous constatons une microévolution en quelques générations. C’est ainsi qu’un gène de résistance permettant aux moustiques de survivre à l’insecticide Deltaméthrine a pu envahir l’Afrique de l’Ouest en moins de quinze ans.
La microévolution est d’autant plus rapide que la sélection naturelle est forte, surtout lorsque l’environnement change radicalement et rapidement. Les biologistes évolutionnistes parient ainsi que si l’habitat urbain offre un environnement totalement nouveau aux organismes par rapport aux plus naturels, cela devrait les conduire à une évolution rapide pour s’y adapter. Pour tenter de le prouver, au cours de la dernière décennie, ils ont échangé leurs fatigues, leurs véhicules tout-terrain et leurs billets d’avion pour les tropiques contre des baskets de ville et un laissez-passer de transport en commun.
Rat des champs et rat de la ville
Dans les villes, parmi les espèces anthropophiles, étroitement liées à l’homme et à son milieu de vie, l’évolution abonde. Commençons par le rat des champs et le rat de la ville: Jean de La Fontaine avait raison. Si le rat de la ville doit faire face à des perturbations incessantes, son alimentation est beaucoup plus riche et plus stable que celle du rat des champs.
Plusieurs études sur nos compagnons rongeurs montrent qu’ils deviennent génétiquement différents selon le contexte dans lequel ils évoluent, y compris parfois entre des quartiers d’une même ville. C’est le cas, par exemple, des souris de New York qui portent chacune la marque génétique du parc qu’elles occupent. Plus largement, un gène de résistance aux poisons anticoagulants se propage dans les populations urbaines de rats de Norvège – ou de rats bruns – une évolution génétique qui complique la lutte contre les rongeurs nuisibles.
Le moustique du métro de Londres a changé sa cible alimentaire, préférant les humains et les rats aux oiseaux
Egalement nocif, le moustique du métro de Londres a été décrit comme une nouvelle espèce, moucheron ennuyeux – nom explicite le cas échéant! Cet insecte piquant donc les passagers du réseau souterrain de la ville, ont changé de cible alimentaire en préférant les humains et les rats aux oiseaux; de plus, il n’hiberne plus et a renoncé à la formation de nuages reproduire. Aujourd’hui, ce moustique aux multiples adaptations, que l’on retrouve dans de nombreux réseaux métropolitains des grandes villes du monde, ne produit plus de progéniture viable lorsqu’il est croisé avec l’espèce « des grands espaces » Culex pipiens.
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