la famille de la victime veut « souligner les horreurs qu’Alexia a subies »
Le procès de Jonathann Daval, accusé du meurtre de sa femme, survenu à Gray en octobre 2017, était très attendu. Ce lundi matin, les barrières empêchant l’accès au palais de justice de Vesoul se dressaient dans les rues adjacentes et un certain nombre de CRS étaient présents, armes en bandouillère, pour sécuriser l’accès à l’immeuble situé en centre-ville.
« Vesoul n’a jamais connu un tel événement, triste bien sûr. Nous serions bien allés. L’enfermement le rend très spécial. Cela facilite les choses en termes de population et de rassemblement public » Alain Chrétien, maire LR de Vesoul, nous l’a expliqué dans la matinée.
Impossible d’accéder au palais de justice sans autorisation spécifique ou carte de presse. Les journalistes, présents en grand nombre pour suivre ce procès, n’ont pas tous pu entrer dans ce petit tribunal de Haute-Saône. Un seul journaliste par média accrédité peut accéder cette semaine à l’une des trois salles dans lesquelles les discussions sont audibles en direct ou en retransmission.
« Nous ne défendrons pas un féminicide lors de ce procès, nous sommes confrontés à une affaire d’homicide qui n’a absolument rien à voir » Randall Schwerdorffer nous l’a dit quelques jours avant le procès de Jonathann Daval, son client. Pourtant, c’est bien l’inscription «Stop féminicide – RIP Alexia» qui s’affiche sur l’une des façades d’un immeuble donnant sur l’esplanade du Palais de Justice.
#AlexiaDaval A quelques jours du procès, les avocats de Jonathann Daval ont réfuté le terme «féminicide» pour qualifier le meurtre d’Alexia Daval. « Stop féminicide – RIP Alexia » affiche une bannière donnant sur la Place du Palais de Justice. pic.twitter.com/0oLLlokl0S
– Sarah Rebouh (@srebouh) 16 novembre 2020
A l’intérieur, sur les bancs du salon, des sièges ont été répartis. «Parties civiles», «Famille» se lisent dans les rangées, le long de la petite allée centrale. Sur une table, devant le président, sont disposées une multitude d’expositions. Petit à petit, les différents protagonistes arrivent, sous le regard des journalistes.
Le premier arrivé n’est autre que l’accusé, Jonathann Daval, renvoyé de sa prison de Dijon tôt le matin. Le jeune homme, bien caché par les vitres teintées d’une camionnette noire, est escorté par plusieurs motos de la gendarmerie. Son entrée se trouve à l’arrière du bâtiment. Suit l’arrivée de Me Caty Richard, avocat de certaines parties civiles dans ce procès (lire notre article) puis celle des avocats de Jonathann Daval.
« Nous sommes là pour Alexia »
La famille de la victime arrive alors. « Nous sommes ici pour avoir de nouvelles révélations et pour souligner toutes les horreurs qu’a subies Alexia. Nous sommes ici pour Alexia » déclarent Isabelle et Jean-Pierre Fouillot, avant d’entrer au Palais de Justice, accompagnés de Grégory Gay, leur gendre, et Stéphanie Fouillot, leur fille, ainsi que leur avocat Me Gilles-Jean Portejoie. La mère de Jonathann Daval et une partie de sa famille entrent sur le court quelque temps plus tard. Une dizaine de places leur a finalement été réservée.
Procès Jonathann Daval: ouverture du procès, arrivée de la famille d’Alexia Daval (Rapport E.Diaz, R.Poirot)
Le procès commence à 9 heures. Jonathann Daval a emménagé dans le box des accusés 5 minutes plus tard. Vêtu d’un pull rouge marine et bleu foncé, le Haut-Saônois ôte son masque pour révéler son identité. « Il a perdu beaucoup de poids » son avocat l’avait dit à plusieurs reprises ces derniers mois. La métamorphose physique n’est pas immédiatement évidente.
Six jurés sont d’abord choisis pour assister les trois juges. L’une d’elles partage le fait qu’elle connaît l’un des oncles de Jonathann Daval. Elle est rejetée. Le procureur de la République du Vesoul, Emmanuel Dupic, la félicite pour son honnêteté. Il s’agit en effet de rendre le jugement le plus impartial possible. Jonathann Daval est attentif et regarde chaque juré, sous les yeux de la famille d’Alexia Fouillot, mariée de Daval, assise au premier rang.
Le public est largement absent de ce procès. En effet, les règles de confinement ne permettent pas aux citoyens d’assister aux audiences publiques, en tant que spectateurs. De plus, le salon est définitivement trop petit. Dehors, une dizaine de badauds sont postés derrière les barrières. Certains ont suivi l’affaire depuis le début. D’autres sont simplement curieux.
17 enquêteurs, 450 audiences
Au total, 18 proches de la victime sont devenus parties civiles. Outre Isabelle et Jean-Pierre Fouillot, les parents de la victime, Stéphanie et Grégory Gay, la sœur et le beau-frère d’Alexia, des tantes et oncles et cousins en font également partie. Les membres de la famille d’Alexia Fouillot, l’épouse de Daval, entendent s’unir et montrer leur unité face à celui qu’ils appellent désormais «l’assassin».
Invité par le président du tribunal, Matthieu Husson, à dire s’il reconnaissait toujours « être le seul impliqué dans la mort de (sa) femme », l’informaticien de 36 ans, aux yeux rouges et au bord des larmes, répond simplement « oui ».
Dans le box des accusés, vers 11 heures, Jonathann Daval écoute le juge dresser le rapport des faits, avant l’audition des témoins. Les différentes dépositions de Jonathann Daval sont rappelées, à commencer par celle au cours de laquelle il déclare la disparition de son épouse le 28 octobre 2017. Les pratiques sexuelles du couple ainsi que le désir d’Alexia d’avoir un enfant sont déclarés par l’accusé, à plusieurs reprises , lors de différentes auditions devant les enquêteurs.
Franck Paredes, directeur de l’enquête, passe en revue les déclarations de l’accusé: « Jonathann Davalt nous parle de certaines difficultés du couple. Alexia Daval ne voulait pas que Jonathann Daval rende visite à son beau-père. Elle n’aimait pas vraiment sa belle-mère. Il va nous donner des révélations sur sa vie de couple, de ne pas pouvoir d’avoir des enfants et de ses problèmes d’érection, qu’il essaie de guérir. Alexia Daval a fait une fausse couche quelques mois auparavant. Il nous raconte qu’elle le blâmait pour ses problèmes. problèmes d’érection, en lui disant «il n’était pas un homme « Il dit qu’elle pourrait être délirante et violente à cause de son traitement hormonal. »
L’enquêteur examine également les découvertes faites sur le corps de la victime. « Il y a beaucoup de lésions, de cou, d’étranglement manuel. Les ongles de la victime sont retournés, ce qui suggère une résistance » il continue. Des coups violents, multiples, et un tacle violent au sol ou une bagarre au sol sont également mis au jour par la légiste, sur le corps d’Alexia Fouillot, mariée à Daval. L’expertise confirme à l’époque un décès par strangulation manuelle.
Au total, 17 enquêteurs ont travaillé sur ce dossier et sur les différentes versions de Jonathann Daval. « Nous avons fait 450 audiences, il y avait plus de 1500 documents dans le dossier » détaille Franck Paredes, au barreau de la cour de Vesoul. « Il voulait simplement échapper à la justice » explique l’enquêteur, suite à une question du procureur de la République de Vesoul, Emmanuel Dupic, concernant les multiples versions de l’accusé.
«S’il fallait recommencer, ne seriez-vous pas intervenu plus tôt?
L’avocate des parties civiles, Caty Richard, pose plusieurs questions suite aux déclarations de Franck Paredes, notamment concernant la couverture médiatique de l’affaire, ainsi que sur une enquête patrimoniale mais aussi sur les recherches internet effectuées par la victime avant sa mort. meurtre. Les avocats des parties civiles tentent de montrer que le déroulement des faits a permis à Jonathann Daval de couvrir ses traces et a suscité l’intérêt des médias pour cette affaire.
«S’il fallait recommencer, ne seriez-vous pas intervenu plus tôt? Vous l’avez laissé pleurer devant toute la France, cela ne vous dérange pas? a à son tour interrogé Me Gilles-Jean Portejoie, avocat partie civile, s’adressant à Franck Paredes, directeur de l’enquête.
« Avec le recul, ne vous dites pas au fond, quand on voit à nouveau la marche blanche, quand on voit les funérailles, 8 000 personnes manifestent, Jonathann Daval qui est en larmes. C’est que la couverture médiatique de l’affaire » il continue. « Nous aurions fait exactement la même chose. Nous ne voulions pas faire d’erreur » répond Franck Paredes, directeur de l’enquête.
Sexe après la mort d’Alexia?
« Je pense qu’il y a eu une relation sexuelle après la mort d’Alexia » poursuit ensuite Gilles Portejoie, avocat des parents d’Alexia Fouillot, mariée à Daval, après avoir interrogé l’enquêteur sur des traces de sperme retrouvées sur le short de la victime, et dans sa culotte.
Randall Schwerdorffer, avocat de Jonathann Daval, interroge à son tour l’enquêteur. Il souhaite contredire la version des faits de son collègue: « Avez-vous des éléments graves, qui peuvent permettre de caractériser une agression sexuelle ou un viol après la mort de la victime? » « Non, ce n’était pas le cas. » répond Franck Paredes. Ce point précis sera développé plus tard dans l’essai.
Les avocats de la défense souhaitent faire la lumière sur l’attitude d’Alexia Daval, décrite en détail dans les dépositions de son mari: « Jonathann Daval a des traces de violence sur lui. En octobre 2017, il montre ses blessures, spontanément: une à l’intérieur de son bras, et une autre morsure. Il s’est donc battu avec Alexia. ». Les avocats de la défense décrivent de nombreuses traces et indices laissés par leur client.
Me Schwerdorffer tient également à souligner le fait que Jonathann Daval n’a pas prémédité la mort de sa femme. « Quand nous entendons parler d’assassinat depuis plusieurs jours, n’est-ce pas la réalité? » interrogez Me Schwerdorffer. « Non, c’est le meurtre d’un conjoint » explique l’enquêteur, assailli de questions des deux parties.
L’après-midi devrait être consacré à la déposition des différents témoins enquêteurs, des témoins ainsi que des experts et du médecin traitant de Jonathann Daval.