Économie | Coronavirus: loyers impayés, possible bombe à retardement
A quelques jours de la trêve hivernale et au début d’un second confinement qui pourrait secouer encore plus l’économie française, associations et élus se penchent avec inquiétude sur le nombre de loyers impayés, déclencheur possible d’une nouvelle crise du logement.
À partir du mois d’avril, « un baromètre de consultations sur les loyers impayés« a été créée par l’Agence nationale d’information sur le logement ».Pour l’instant, on peut voir une augmentation des chiffres par rapport à 2019», explique Louis Du Merle, qui y dirige le service juridique.
« Nous avons également créé un point de vigilance sur les loyers impayés« , poursuit l’avocat, et »une cellule de suivi intergouvernementale a été mise en place pour connaître l’évolution des impayés« .
Avant la crise, et lors de la première maîtrise du printemps, la question des impayés était relativement marginale, explique Pierre Madec, économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et spécialiste du logement. Mais avec un choc économique exceptionnel, des conséquences exceptionnelles, prévient-il, en phase avec les préoccupations des acteurs de terrain. « Beaucoup de gens vont tomber au chômage et ont de grandes difficultés à payer leur loyer.« , ajoute Pierre Madec, »auto-entrepreneurs, indépendants … On ne les comptabilise pas forcément dans les pertes d’emplois mais on voit qu’ils auront de très grandes difficultés« .
L’avenir de ces travailleurs dont les statuts hybrides ne leur permettent pas de bénéficier d’un chômage partiel, s’inquiète également Emmanuel Heyraud, en charge du logement à France Urbaine. «En plus de la crise sanitaire, il y a une crise économique, et le problème des loyers impayés sera un vrai sujet« , anticipe-t-il.
La trêve d’hiver, qui suspend les expulsions à partir du 1er novembre, devrait leur donner une pause. Mais elle « ne répond pas du tout au cercle vicieux de l’économie«impayés, prévient Pierre Madec. Et cela ne soulagera pas les propriétaires qui, en France, sont souvent des personnes physiques.
«Eux aussi doivent faire face à des accusations. Et s’ils ne perçoivent pas les loyers, ils entrent dans un cercle vicieux où ils ne pourront pas rembourser eux-mêmes leur prêt …», prévient l’économiste, qui plaide pour une garantie universelle des loyers.
Il n’est donc pas impossible que les donateurs, publics ou privés, demandent encore plus de garanties dans les mois à venir. »et qu’ils disent « un CDI dans tel ou tel secteur aujourd’hui ne suffit pas pour garantir que demain vous ne serez pas au chômage »« .
De quoi obscurcir davantage un marché immobilier déjà encombré dans de nombreuses villes. Ainsi, pour la fondation Abbé Pierre, qui a mis en place un «fonds d’aide non rémunéré», les différentes mesures mises en avant par l’État – aide exceptionnelle au logement non rémunéré via l’Action Logement ou aide exceptionnelle de solidarité aux ménages pauvres. plus précaire – « ne couvrira pas tous les besoins« .
Quant à la cellule de surveillance mise en place par le gouvernement au printemps dernier, elle ne s’est pas réunie depuis juillet.