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École: pourquoi nos enfants sont en colère contre les mathématiques

Salim Brigui a 28 ans, il « s’amuse » dans son travail et est « bien conscient » d’être un oiseau rare: il est professeur de mathématiques certifié dans un lycée du Nord. Le genre de vocation que l’on ne trouve plus si facilement sur les bancs des écoles de mathématiques. Et c’est cette réalité des universités qui explique, en partie, la position de l’école française du primaire au lycée: sur un toboggan. Le rendement des élèves en mathématiques diminue à un rythme alarmant.

Le constat, aussi implacable qu’un avis de répétition, devrait être réitéré ce mardi, à l’occasion de la publication, à 10 heures précises, d’une nouvelle étude: l’enquête Timss, menée tous les 4 ans par un conglomérat de chercheurs internationaux sur le niveau des écoliers et des collégiens en mathématiques, dans plusieurs dizaines de pays. La dernière édition, en 2015, invitait déjà à regarder les pointes de ses chaussures. La patrie de Pascal et Poincaré a été placée en bas de la classe européenne, dernier de l’UE et avant-dernier des pays de l’OCDE, juste avant le Chili.

Cette chute correspond à « un mouvement fondamental, qui touche toutes les classes sociales », note Fabienne Rosenwald, directrice du Département des études statistiques de l’Education nationale (Depp), dont les enquêtes maison n’invitent pas plus à l’optimisme que les statistiques internationales.

Le plus récent, baptisé Cèdre et publié le 30 septembre, montre que le score en calcul et en géométrie des écoliers a plongé de 17 points l’an dernier, alors qu’il était resté stable entre 2008 et 2014. Il atteste que plus de la moitié (53%) des Les enfants CM2 ont « une maîtrise fragile, voire de grandes difficultés » à résoudre des exercices correspondant aux programmes officiels.

Le profil littéraire des futurs enseignants

«On voit en France une élite qui décroît, c’est-à-dire moins de très bons élèves, et encore beaucoup d’étudiants en difficulté», abonde Eric Charbonnier, analyste pédagogique à l’OCDE. Outre le résultat, les raisons du mauvais rapport ont aussi longtemps été mises en évidence en rouge par les experts: la principale se trouve dans la formation des enseignants.

«La France n’est pas figée sur ses faiblesses: elle a évolué dans ses méthodes d’enseignement», note Eric Charbonnier. Mais tant que nous ne recruterons pas assez d’enseignants, et pas assez bien formés, nous ne serons jamais sûrs de progresser, quelle que soit la méthode employée. « 

Alarmée par ses zéros pointillés, l’Education nationale a lancé en 2018 un «plan mathématique», destiné à développer la formation continue, notamment au niveau primaire. Cela suffira-t-il? Dans ses classes d’élèves, fraîchement acceptées au concours des professeurs d’école, Eric Mounier voit arriver à la rentrée de chaque année une grande majorité de profils littéraires, pour qui les mathématiques sont un lointain souvenir.

«Nous avons fait nos études avec des ingénieurs, et nous gagnons 1 800 euros par mois au bac + 5»

«La plupart sont en fin de 3e, mais le problème n’est pas tant leur niveau de base que le temps passé à apprendre à enseigner. Pourtant, le temps, nous n’en avons pas assez », regrette cette enseignante à l’Institut national supérieur de l’enseignement et de la formation (Inspé) de Créteil (Val-de-Marne).

Une faiblesse à laquelle s’ajoute, dans l’enseignement secondaire, un vivier de recrutement de plus en plus faible, qui s’explique en grande partie par le salaire. «Nous avons étudié avec des ingénieurs, et nous gagnons 1 800 euros par mois au bac + 5 …», opine Salim Brigui. En 2020, pour les collèges et lycées, 140 postes au concours externe des Capes Mathématiques n’ont pas trouvé preneur. Ils étaient 228 en 2019.

Conséquence: les académies remplissent les salles de classe de personnel temporaire, recruté à un niveau de qualification inférieur et sans contrôle a priori de leurs qualités d’enseignants. Cerise sur le gâteau: c’est dans les établissements les plus défavorisés, où le besoin de méthode est le plus pressant, que l’on trouve le plus d’enseignants contractuels.

Delphine Perrault

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