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Convaincre les soignants de se faire vacciner, un défi majeur

Illustration d’un médecin. – Pixabay

  • Les soignants et le personnel des établissements médico-sociaux devraient être parmi les premiers à recevoir des injections d’un vaccin anti-Covid.
  • Mais pour le moment, beaucoup d’entre eux sont méfiants et indécis, ce qui n’est pas étonnant car il y a encore de nombreuses questions sur ces vaccins.
  • Ces soignants seront les premiers à convaincre si le gouvernement veut réussir sa campagne de vaccination, qui pourrait s’appuyer sur leur exemple et la confiance qu’ils inspirent à la population.

« Faites-vous vacciner? Je ne sais pas ce que contient ce vaccin, ni les conséquences qu’il peut avoir sur ma santé. Non, je vais attendre et laisser les autres servir de cobayes », prévient Morgane, 27 ans, infirmière. infirmière à domicile, qui a répondu notre appel à témoignages.

Ce lundi, la Haute Autorité de Santé (HAS) a défini les différentes phases de la campagne de vaccination En France. Les résidents, ainsi que les professionnelles en soins des plus anciennes maisons de retraite et les personnes souffrant de comorbidités, feront partie de la première vague. D’autres soignants pourraient faire partie des phases 2 et 3 du plan.
Emmanuel Macron a également précisé que le vaccin contre
Covid-19 ne serait pas obligatoire.

Pas assez de recul

Au moment où les premières doses de vaccin (s) ayant obtenu le feu vert de l’Union européenne arriveront, il peut y avoir beaucoup de travail éducatif si le gouvernement veut que les soignants acceptent de se faire vacciner. Lucas, kinésithérapeute de 25 ans, « ne veut pas se faire vacciner en raison de la rapidité de l’introduction du vaccin, qui ne permet pas encore de voir les effets secondaires à long terme ». De même Mélodie, qui travaille dans les maisons de retraite médicalisées, s’interroge sur la priorisation des publics. «Je n’ai aucune confiance dans l’État et encore moins dans les sociétés pharmaceutiques. Le fait d’utiliser notre situation professionnelle pour nous inviter à agir, je ne suis pas du tout fan. D’autres succursales sont également en danger, les restaurateurs par exemple ».

Si certains regrettent les pressions de leur hiérarchie, et parfois même la culpabilité, d’autres se qualifient. «Je suis pour les vaccins, mes enfants et moi sommes vaccinés», explique Céline, 47 ans. Pour le Covid-19, quand le recul sera suffisant, j’y réfléchirai, mais pas pour cette année ». Annie, 48 ans et prestataire de soins en maison de retraite, a une toute autre histoire. «Je veux me faire vacciner contre la grippe, je le fais contre la grippe depuis au moins trente ans. Je trouve normal de protéger les résidents. Mais je sais, hélas, que 90% de mes collègues ne le feront pas… Ils seront plus susceptibles de se faire vacciner si les compagnies aériennes l’imposent, car les vacances comptent plus que les résidents… »

Trop d’incertitudes pour tirer des conclusions

Comme nous l’avons vu, l’acceptabilité ne semble pas gagnée. Sans surprise étant donné que l’on en sait encore très peu sur ces vaccins anti-Covid. Alexis Spire, sociologue à Centre national de recherche scientifique (CNRS), mène un projet de recherche sur la confiance des aidants dans les institutions publiques à l’époque du Covid-19. Pendant dix-huit mois et jusqu’en septembre 2021, il enquête dans deux hôpitaux d’Ile-de-France et du Grand-Est. «La plupart de ceux que nous avons vus ne sont pas anti-vaccins», explique-t-il. Dans les entretiens, nous avons eu très peu de réponses fermes et définitives sur le vaccin contre Covid-19, il est trop tôt car il y a beaucoup d’incertitudes. Dire aujourd’hui quelle est l’acceptabilité de ce vaccin me semble très fragile. « 

Le vaccin contre la grippe, un exemple révélateur

Il resterait donc une grande incertitude. Mais l’exemple du vaccin contre la grippe semble révélateur. «Les problèmes sont assez similaires avec le Covid-19, souligne Alexis Spire. Les personnes qui refusent de se faire vacciner contre la grippe refuseront également de le faire contre le Covid ». De quoi s’inquiéter. «Les taux de vaccination antigrippale du personnel infirmier sont très limités, y compris dans les services au contact des personnes à risque, en gériatrie par exemple», analyse-t-il. Et il est plus faible chez les infirmières et les aides-soignants que chez les médecins et les cadres de la santé. « 

Ce qui confirme les derniers chiffres de Santé publique France. Au cours de la saison 2018-2019, 35% des soignants des formations sanitaires ont été vaccinés (67% des médecins, 48% des sages-femmes, 36% des infirmières et 21% des aides-soignants). Ils étaient 32% dans les maisons de retraite (75% pour les médecins, 43% pour les infirmières, 27% pour les aides-soignants et 34% pour les autres paramédicaux). La question de faire
le vaccin antigrippal obligatoire est apparu en septembre 2020. «Il vaut mieux compter sur l’incitation que sur la contrainte», recommande Alexis Spire.

Pourquoi certains soignants refusent-ils de se faire vacciner?

Comment expliquer que les soignants, qui ont un minimum de bagage scientifique et passent leurs journées en contact avec des patients, soient si récalcitrants? Plusieurs explications ressortent des entretiens menés par le chercheur. «Celui qui revient le plus souvent, et qui est commun aux ambulanciers et aux médecins, c’est qu’ils n’ont pas peur d’être malades car ils se croient à l’abri du contact avec les malades», explique-t-il. La deuxième raison est qu’il serait absurde de vouloir vacciner une maladie, d’autant plus que le vaccin n’est pas toujours efficace. Enfin, une troisième justification, qui revient plutôt aux infirmières et infirmiers auxiliaires: comme l’hôpital encourage les personnes à se faire vacciner, on soupçonne qu’elles veulent limiter les congés maladie ».

Deux différences majeures empêchent cependant ce rapport d’être transposé au vaccin antigrippal contre le coronavirus. Le premier est l’efficacité: on sait que le vaccin antigrippal, qui doit être renouvelé chaque année, n’est efficace que de 60 à 70%. Le deuxième point concerne la sécurité: on ne sait pas du tout quels seraient les effets secondaires des vaccins Covid-19, contrairement à celui contre la grippe, connu et maîtrisé depuis des décennies.

Un levier pour restaurer la confiance

Le jeu va être serré pour le gouvernement. « Il y a la combinaison de deux choses en France: nous sommes le pays champion de la méfiance envers les élites politiques et envers la vaccination », poursuit Alexis Spire. De plus, les injonctions contradictoires depuis mars face au coronavirus ont alimenté un peu plus cette méfiance. Les Français que nous avons interrogés, aidants ou non, peuvent comprendre qu’il y a eu une part de surprise, de manque de préparation face à l’épidémie. Ce qui est très mal vu, c’est le mensonge et le fait que les erreurs n’ont pas été reconnues. C’est pourquoi, dans ce contexte plutôt tendu, la campagne de vaccination ne pourra pas être menée sans ou contre les soignants.

Au-delà de la responsabilité qui leur incombe, il y a aussi une question d’exemplarité. « Un des résultats de notre enquête est que pour qu’il y ait une forme de confiance dans ce vaccin, des intermédiaires sont nécessaires entre les pouvoirs publics qui envoient un message et les personnes qui mettent en place cette campagne », insiste Alexis. Flèche. Les soignants sont très attentifs aux médecins, chefs de clinique de leur service, avec lesquels ils sont en contact direct. Convaincre les médecins de l’hôpital est crucial pour atteindre les soignants. Tout aussi convaincre des médecins généralistes est essentiel pour rassurer la population en général. « 

D’autant que le gouvernement veut à tout prix éviter le fiasco de la campagne de vaccination contre le H1N1 en 2009. Les nombreux stocks n’avaient en effet pas trouvé preneurs… «On l’a fait à l’époque des vaccinodromes et on a complètement évincé les médecins généralistes, rappelle Alexis Spire. Vacciner dans la chaîne, ce n’est pas propice pour apaiser les craintes … « 

Pour les médecins généralistes, l’attente est la même. «Vous pouvez imaginer que si nous ne sommes pas dans les conditions de sécurité maximales et que seulement 5% des soignants sont vaccinés, la population ne sera pas vaccinée, prévient Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président du syndicat Généralistes-CSMF. Si je me fais vacciner, que je mette un badge « ton médecin est vacciné », que mes collègues font de même, tout comme le pharmacien, l’infirmière, ça aura un impact, car les Français nous font confiance. « 

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Delphine Perrault

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