Comment l’Allemagne, bonne élève de l’Europe, en est-elle arrivée?
- Dans la première vague, l’Allemagne a subi un nombre de morts relativement faible par rapport à ses voisins européens, tout en prenant des mesures moins strictes.
- Une bonne gestion que le pays ne peut clairement pas reproduire lors de cette vague hivernale: l’Allemagne semble débordée par le coronavirus.
- Pourquoi un tel échec venant d’un pays cité comme modèle?
Indubitablement, Allemagne était pendant la première vague de
coronavirus le bon étudiant européen, avec un nombre de décès par million d’habitants s’élevant à 118,6 morts, contre 658,9 en
Royaume-Uni, 605,9 en Italie ou 502 en France. Mais une première bonne gestion n’empêche pas d’être dépassé par un second rebond, et c’est ce que le pays germanique apprend péniblement pendant ces mois d’hiver.
L’Allemagne semble aujourd’hui devenir le mauvais élève de cette seconde vague. Après avoir admis que l’épidémie était « incontrôlable », le gouvernement a décrété confinement partiel à partir de ce mercredi et jusqu’au 10 janvier avec la fermeture annoncée ce dimanche par la chancelière Angela Merkel des entreprises «non essentielles». En question, des chiffres extrêmement mauvais. Le nombre de nouvelles infections quotidiennes a approché le seuil des 30 000 vendredi puis samedi, loin des records de la première vague. Ce jeudi, l’Allemagne a connu un nombre record de morts, avec 598 morts. Par rapport au million d’habitants, l’Allemagne compte désormais 269 morts de Covid, un «développement» bien plus rapide que tous ces voisins. Le taux d’incidence est de 170 cas pour 100 000 habitants, contre 120 pour la France. 20 minutes fait le point sur la situation outre-Rhin.
Comment expliquer ces mauvais chiffres?
Comment l’Allemagne pourrait-elle se retrouver avec des chiffres aussi catastrophiques? Pour Antoine Flahault, épidémiologiste et directeur de l’Institut de Santé Globale à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève, l’explication est simple: «L’Allemagne n’a pas pris à temps des mesures suffisantes et suffisamment fortes. . Contrairement à la première vague, les Allemands tergiversèrent, attendirent trop longtemps et les demi-mesures ne fonctionnèrent pas. «
Quelques couvre-feux partiels ici et là et des restrictions de regroupement de personnes n’auront pas réussi à briser cette seconde vague. L’Allemagne aura ainsi connu un plateau élevé à partir du 4 novembre, réussissant à stopper la courbe exponentielle mais pas à faire baisser les cas, avant de connaître une nouvelle épidémie ces derniers jours. «Mais même en étant sur un plateau de pointe, c’est une situation loin d’être enviable, même si les cas n’augmentaient plus, les décès et hospitalisations étaient nombreux chaque jour », décrit Antoine Flahault.
Vers un excès de confiance?
Pourquoi alors avez-vous attendu si longtemps? L’Allemagne a en quelque sorte été victime de son succès dans la première vague. Antoine Flahault nous rappelle, absolument tous les pays d’Europe ont pris des mesures moins strictes lors de ce second pic que lors du premier: le accouchement est allégée en France, les écoles sont restées ouvertes en Irlande, etc., à cause d’une population éprouvée et fatiguée de faire des efforts. En fait, l’Allemagne, qui avait déjà pris des mesures plus modestes lors de la première vague (pas d’endiguement strict en particulier), a pris des mesures encore plus faibles lors de la seconde. Sauf qu’à force de toujours faire dans le moins restrictif, cela finit par n’avoir plus d’effets sur le nombre de cas.
Les Allemands ont-ils également commis une erreur par excès de confiance en raison de leur bonne gestion du printemps? «C’est possible, reconnaît l’épidémiologiste. Cependant, tous les pays parient au départ que des gestes de barrière, des masques et une meilleure connaissance du virus suffiraient à le contenir. Le fameux « apprendre à vivre avec le virus ». L’Allemagne aurait eu tort de le croire un peu plus longtemps que les autres. Peut-être aussi en raison d’un décalage par rapport aux autres pays. « La deuxième vague est arrivée plus tard en Allemagne qu’en France ou dans d’autres pays, ce qui pouvait entretenir l’illusion que le pays gérait et saurait la contenir », poursuit Antoine Flahault.
Mais alors qui devient le bon étudiant européen, si ce n’est plus l’Allemagne?
Maintenant, le nouveau modèle européen semble être irlandais, premier pays d’Europe à reconfigurer en octobre. Un exemple non pas tant pour le confinement strict (hors écoles ouvertes) mis en place que pour la vitesse à laquelle il a été décidé. L’équation reste la même partout, plus on agit tôt et avec une faible incidence du virus, plus les effets sont rapides et efficaces. Antoine Flahault: «Dans les pays démocratiques, il faut avoir le soutien de la population pour prendre des mesures restrictives fortes. Peut-être qu’après cette deuxième vague, toute l’Europe comprendra qu’il faut agir dès que la situation s’améliore un peu, et non quand elle dégénère complètement ». L’Irlande aura aujourd’hui des vacances de fin d’année « presque » normales, ce qui était le pari – réussi – de s’en tenir à ce début d’octobre.
L’Allemagne peut-elle redevenir un exemple? Contrairement à d’autres pays européens, la nation a décidé de fermer des écoles. Pour Antoine Flahault, cela peut être déterminant dans la chute de l’épidémie. Cependant, il sera difficile de comparer ce choix et son impact avec la stratégie de ses voisins, puisque les écoles européennes fermeront au moins deux semaines en raison des vacances de fin d’année. Impossible de se prononcer sur la décision allemande.