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Bientôt un vaccin contre Covid-19, mais (toujours) rien contre le VIH? Méfiez-vous de la comparaison trompeuse

Un homme accroche des rubans rouges, symboles de la lutte contre le sida, le 1er décembre, à Gijon, en Espagne. – Mercedes Menendez / Pacific Press / Shutterstock / SIPA

  • Plusieurs laboratoires ont annoncé des résultats encourageants pour l’obtention d’un vaccin contre Covid-19 et des campagnes de vaccination sont déjà lancées dans certains pays, un peu moins d’un an après l’émergence du Covid-19.
  • Cette vitesse surprend plusieurs internautes, qui s’interrogent sur le fait qu’à l’inverse, il n’existe pas encore de vaccin contre le VIH.
  • La nature du VIH rend difficile la recherche d’un vaccin, rappellent trois experts 20 minutes.

Britanique a reçu les premières injections mardi vaccin de Pfizer et BioNTech contre
Covid-19, moins d’un an après le premier signalement d’un cas de ce nouveau coronavirus par la Chine.

Une vitesse qui alerte certains internautes, qui comparent les recherches un vaccin contre Covid-19 à celui contre le VIH. « SIDA […] 40 ans, 0 vaccin »,« Covid […] 10 mois, 9 vaccins », peut-on lire sur un visuel massivement relayé sur les réseaux sociaux.

Cette comparaison est devenue virale sur les réseaux sociaux.
Cette comparaison est devenue virale sur les réseaux sociaux. – Capture d’écran Facebook

Cette comparaison est-elle pertinente? Pourquoi est-il plus difficile de trouver un vaccin contre le VIH que de trouver un vaccin contre le coronavirus? 20 minutes posez la question à trois experts.

FAUX

La comparaison entre les deux vaccins est difficile car leur nature et leur action sont très différentes. Contrairement à Sars Cov-2, qui cause Covid-19, le VIH, qui cause le sida, mute beaucoup et comporte de nombreux sous-types. «Le VIH est l’un des virus les plus variables, avec l’hépatite C», rappelle Constance Delaugerre, professeur de virologie à l’Université Saint-Louis de Paris et ancienne directrice du comité scientifique et médical de Sidaction.

Du fait de ces mutations, la stratégie traditionnelle de vaccination, à savoir l’inoculation d’un virus pour faire réagir les défenses immunitaires du corps humain, est très compliquée. Il s’agit de mettre une particule du virus dans le vaccin, alors que les personnes infectées par le VIH ne rencontreront jamais cette particule en raison de sa vitesse de mutation.

«Cette variabilité [du VIH] c’est incroyable, note le spécialiste. Le virus se défend contre la pression lorsqu’il pénètre dans l’organisme. Des défenses immunitaires sont mises en place, mais il passe son temps à contrer cela et à modifier tout son génome, en particulier l’enveloppe. Et cela ne l’empêche pas de se répliquer et de se diffuser dans la population. «Sachant que le virus mute chez une personne infectée, mais aussi entre des personnes.

À l’inverse, «les coronavirus sont des virus beaucoup plus stables, beaucoup plus volumineux et qui ne peuvent pas changer sans leur coûter cher», explique Constance Delauguerre. Nous l’avons vu avec les autres coronas, Sars-Cov1 et Mers, ce sont des virus moins mutagènes. « 

Pas les mêmes mécanismes de protection

Une autre différence majeure entre le VIH et le Sars Cov-2: le mécanisme de protection du corps. «Pour Sars-Cov2, nous savons, et nous l’avons appris assez rapidement, que lorsque nous produisons des anticorps qui neutralisent l’infection, cela protège. […] Les anticorps neutralisants sont très efficaces et sont produits par la plupart des personnes infectées. Ceux-ci sont appelés les corrélats de la protection. « 

«Pour le VIH, trente ans plus tard, nous ne connaissons toujours pas bien les corrélats de la protection, car nous n’avons pas de modèle», ajoute Constance Delaugerre. Impossible, en effet, d’en avoir un en l’absence de guérison. «L’infection par le VIH n’est pas du tout éliminée par notre système immunitaire. Les personnes infectées sont porteuses du virus à vie », ajoute Serawit Bruck-Landais, directeur de l’unité de recherche qualité et santé de Sidaction.

Dernier obstacle à surmonter, le VIH infecte les cellules immunitaires. Cependant, la vaccination stimule la réponse immunitaire. Cette réponse doit donc être stimulée sans augmenter le nombre de cellules que le VIH pourra infecter.

Deux axes de recherche majeurs

La recherche sur les vaccins anti-VIH est orientée vers deux voies, la réponse anticorps et la réponse cellulaire. Un essai en cours utilise des anticorps neutralisants, détaille Serawit Bruck-Landais: «Une très petite partie des personnes vivant avec le VIH développe des anticorps qui leur permettent de vivre avec le virus sans l’éliminer, mais sans prendre de traitement. Pas plus. Nous avons pu isoler ces anticorps et les produire en quantité. Désormais, les tests consistent à les injecter. « 

Les chercheurs explorent d’autres voies pour éviter la contamination. Une option est de «  donner des anticorps monoclonaux [ « des molécules naturellement produites par le système immunitaire en vue de déclencher une attaque ciblée sur un danger déjà rencontré », selon l’institut Curie] à un enfant », lorsqu’il est allaité, explique Morgane Bomsel, directrice de recherche au CNRS et chef d’un laboratoire à l’Institut Cochin. Cette piste est «très utile lorsque l’on veut bloquer l’infection en très peu de temps. « 

«D’énormes progrès technologiques» grâce à la recherche sur le VIH

Le chercheur souligne que « l’énorme quantité d’énergie et de recherche » entreprise sur la vaccination contre le VIH « a fait qu’on a appris beaucoup de choses en immunologie, applicables à d’autres pathologies ». Elle cite également «d’énormes progrès technologiques». «L’argent investi n’a pas été perdu. « 

Près de 78 millions de personnes ont été infectés par le VIH depuis le début de l’épidémie, selon l’ONU.

Delphine Perrault

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