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Algérie: l’absence de cinq semaines du président alimente les rumeurs

Dans quel état de santé est le président algérien? Un mois après le transfert d’urgence d’Abdelmadjid Tebboune vers l’Allemagne, pour être soigné pour le coronavirus, l’opacité demeure sur son état de santé, alimentant les rumeurs et les interrogations sur la direction du pays. Agé de 75 ans, le président Tebboune a été admis le 28 octobre dans «l’un des plus grands établissements spécialisés» d’Allemagne, sans en préciser le lieu.

En fait, il est absent depuis au moins cinq semaines. Parce qu’il a été « volontairement isolé » à partir du 24 octobre – date de son dernier tweet – après avoir été en contact avec de hauts responsables de la présidence et du gouvernement infectés, puis admis dans une unité de soins spécialisée de l’hôpital militaire d’Ain Naâdja à Alger. « Son état de santé n’inspire aucune inquiétude », a alors assuré la présidence.

« Cette longue absence pour cause de maladie, couplée à un » protocole « d’information dans la nature, indique que le président est vraiment malade », observe le politologue algérien Mohamed Hennad. « Mais si cette absence prolongée est un problème, ce n’est pas à cause de la maladie elle-même, c’est parce que le pouvoir, dépourvu de culture étatique et de bon sens, complique l’existence pour rien. Car la vérité finit toujours par éclater », note Mohamed Hennad .

Le spectre de Bouteflika

L’absence d’Abdelmadjid Tebboune a réveillé le spectre du vide de pouvoir lors des hospitalisations à l’étranger d’Abdelaziz Bouteflika après son grave accident vasculaire cérébral en 2013. Suite à cet épisode, c’est son frère Saïd qui a dirigé le pays et a tenté avec le clan présidentiel d’imposer un cinquième Mandat de Bouteflika, poussant les Algériens à descendre en masse dans la rue en février 2019. Abdelaziz Bouteflika démissionnera le 2 avril 2019 sous la double pression de l’armée et du soulèvement populaire, roman et pacifique, du Hirak.

Depuis son départ pour Cologne, à bord d’un avion médical français selon les médias algériens, six communiqués de presse, résumés et parfois contradictoires, ont été distillés par la présidence. Ainsi, après avoir annoncé le 28 octobre qu’il était hospitalisé en Allemagne pour des «examens médicaux approfondis», la présidence a expliqué le lendemain qu’il recevait «un traitement adéquat et [que] son état de santé »était« stable et pas inquiétant », sans jamais préciser ce dont souffre Abdelmadjid Tebboune, gros fumeur.

Ce n’est que le 3 novembre qu’une déclaration lapidaire a annoncé qu’il était infecté par Covid-19. Cinq jours plus tard, la présidence a indiqué que le chef de l’Etat était « en train d’achever son traitement ». Puis, le 15 novembre, un autre communiqué de presse a déclaré qu’il avait terminé son traitement et subissait des « examens médicaux ».

Depuis lors, c’est le silence officiel, à l’exception d’une dépêche de l’agence officielle APS le 20 novembre, faisant état d’une lettre de la chancelière allemande Angela Merkel, « dans laquelle elle se réjouit qu’il se soit remis de son infection. Au coronavirus ». Quand Interrogé, un porte-parole du gouvernement allemand a répondu que «le chancelier allemand (avait) envoyé un message écrit de prompt rétablissement au président algérien Tebboune», sans plus de détails.

Appel au recours à l’article 102

Cette communication au moins fragmentaire et l’absence d’images du président continuent d’alimenter les rumeurs et spéculations de toutes sortes en Algérie, à l’heure où ce pays subit une résurgence de la pandémie.

L’incertitude sur l’état du président Tebboune – qui est censé promulguer la nouvelle Constitution après le référendum du 1er novembre et ratifier la loi de finances 2021 – pousse certaines voix à exiger l’application de l’article 102 de la loi fondamentale, relatif à la vacance de pouvoir, afin d’éviter une crise constitutionnelle. « L’article 102 facilite les choses dans la mesure où le constat de vacance du pouvoir se fait en deux temps: l’état d’incapacité temporaire (du président), pour une durée maximale de 45 jours, puis sa démission de plein droit au-delà de cette période », Explique Mohamed Hennad.

Dans ce cas, le président par intérim du Sénat, Salah Goudjil, un vétéran de la guerre d’indépendance de 89 ans, agira en tant que président par intérim en attendant l’élection d’un nouveau chef de l’Etat.

Dans une déclaration à la presse jeudi, Salah Goudjil a souhaité « un prompt rétablissement au président Tebboune ». Dans un article publié samedi et intitulé « La présidence nous écrit », le quotidien francophone El Watan évoque « une grande confusion qui s’est développée sur l’état de santé du président Abdelmadjid Tebboune », et affirme, citant « une source digne de foi », qu’il serait complètement guéri.« Il serait toujours détenu en Allemagne pour des séances de fitness et il sera de retour dans le pays dans quelques jours », assure le quotidien.

Lothaire Hébert

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