Hiver 2020-2021: notre première tendance météo
Nous sommes à presque un mois du 21 décembre, début de l’hiver calendaire. Beaucoup d’entre vous nous demandent si l’hiver à venir sera froid et s’il y aura de la neige dans les plaines et dans les montagnes en France. Nous avons interrogé notre expert en prévisions à long terme, Régis Crépet.
Un mois avant le début de l’hiver, peut-on établir une première tendance?
Régis Crépet: Oui. Il faut savoir que pour l’élaboration de prévisions à long terme, nous disposons de plusieurs outils: des indicateurs, des modèles numériques et des statistiques. A partir d’octobre, les premiers indicateurs météorologiques pertinents commencent à apparaître en vue d’établir une tendance pour la saison hivernale à venir. Ces indicateurs sont:
– L’extension de surfaces enneigées dans les hautes latitudes (Sibérie, Canada), appelé OPI – October Paterne Index – ou SAI – Snow Advance Index. Ces surfaces enneigées peuvent influencer la formation ultérieure du célèbre Haute pression sibérienne, vecteur du froid en Europe. Depuis cet automne, les zones enneigées de Sibérie sont inférieures à la moyenne, malgré une lente expansion à l’heure actuelle.
– Les températures deocéan Atlantique Nord (Oscillation nord-atlantique) qui peut déterminer les vents dominants sur l’Europe, et qui restent au-dessus de la normale cet automne.
– Nous commençons également à voir comment les vents évoluent dans le stratosphère, en particulier dans la zone intertropicale, ce qui peut avoir un impact pour l’hiver à venir.
– Enfin, les températures de l’océan Pacifique qui nous permettent de savoir si nous sommes dans la période « El Nino »,« La fille »Ou« neutre », qui peut aussi influencer l’hiver à venir, même si l’impact pour l’Europe occidentale reste assez faible.
Il est à noter que des changements brusques de température dans la stratosphère peuvent également permettre d’anticiper les vagues de froid, mais ces signaux ne sont perceptibles que deux à trois semaines avant leur apparition. Il faudra donc attendre encore quelques semaines pour ces détails supplémentaires.
En plus de ces indicateurs, nous avons également modèles numériques des centrales qui modélisent le comportement de l’atmosphère. Les principaux pour ce type de tendances sont le modèle européen ECMWF et le modèle américain CFS. Cette année, ils s’attendent à nouveau à une tendance assez douce pour cet hiver, c’est-à-dire avec des températures généralement supérieures aux moyennes saisonnières sur les trois mois. Cette douceur ne serait pas aussi marquée que l’hiver dernier car les centres d’action qui contrôlent les masses d’air seraient positionnés un peu différemment, permettant à de l’air plus frais de descendre de l’Atlantique Nord vers la France d’épisodiquement.
Enfin, en plus de ces indicateurs et modèles numériques, le cycles statistiques sont parfois utilisés pour soutenir les tendances saisonnières numériques ou non, mais leur fiabilité n’est pas toujours prouvée. Ces cycles montrent des récurrences d’hivers très froids tous les 40 ans et d’hivers modérément froids tous les 5 à 6 ans, alternant avec des hivers doux. Selon ces cycles, l’hiver à venir serait doux et humide, puis nous devrions bientôt sortir de la série actuelle d’hivers doux qui prédomine depuis 2014 en France. Mais cela peut se produire dans un délai de deux ou trois ans.
Il est intéressant de noter que cette année, il existe un consensus assez clair entre ce que nous disent les indicateurs, les modèles météorologiques et les statistiques. Lorsque tous les indicateurs sont à peu près cohérents les uns avec les autres, on peut en déduire que la fiabilité est assez bonne.
Avec tous ces indicateurs, que prévoyez-vous pour cet hiver?
RC : Parlons de les températures. Les scénarios prédominants envisagent une situation météorologique peut-être assez proche de celle de l’hiver dernier sur la France, avec des conditions à mi-chemin entre la dépression et la haute pression, avec un débit majoritairement d’ouest à nord-ouest. Cette situation n’est ni propice à un froid extrême ni à de fortes perturbations. Si cette configuration se confirme, on devrait avoir un hiver assez standard, c’est-à-dire sans grand froid ou chutes de neige marquées dans les plaines.
Notons, à cet égard, que le froid et la neige sont deux paramètres qui ne sont pas forcément liés: le froid nécessite des conditions anticycloniques avec des vents continentaux orientés à l’est ou au nord-est, tandis que la neige est plutôt liée à des systèmes dépressionnaires avec perturbations et conflits de masses d’air.
En ce qui concerne les précipitations, une plus grande incertitude demeure en raison du doute sur la prédominance des conditions de haute pression. En effet, plus les pressions sont élevées, plus les perturbations circulant en France sont atténuées. La France étant souvent affectée par la proximité de la zone de haute pression atlantique, on peut en déduire qu’il y a un risque de précipitations dans notre pays un peu cet hiver. Il est possible que des variations se produisent d’un mois à l’autre. Le mois le plus sec pourrait être décembre avant la reprise d’un écoulement plus perturbé en janvier.
Ces précipitations, légèrement déficitaires pour la saison, ne seraient pas une bonne nouvelle pour le bon remplissage des nappes phréatiques.
Que pouvez-vous nous dire sur les conditions en montagne?
RC : Pour la montagne, signalons d’abord que les épisodes de neige précoce, comme celui que nous avons connu en octobre, sont rarement suivis d’hivers très enneigés selon les statistiques. En revanche, la neige en montagne nécessite des conditions météorologiques perturbées. Comme nous venons de le voir, les conditions de haute pression devraient être assez persistantes en décembre avant le retour des perturbations en janvier. Mais si ces perturbations circulaient principalement sur la moitié nord de la France, nos montagnes seraient moins touchées. Il se pourrait donc que cet hiver connaisse un enneigement relativement modéré en montagne, mais à des altitudes globalement assez élevées et surtout dans la seconde moitié de l’hiver.