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la Ligue contre le cancer craint un nouveau retard dans la prise en charge des patients et estime qu ‘ »il y a environ 30 000 cancers non détectés »

Retard de diagnostic, soins différés ou suspension de traitement … Les patients atteints de cancer ont subi un bouleversement de leur protocole de soins lors de la première vague de Covid-19. Mais l’épidémie est en pleine résurgence en Europe et la redoutable deuxième vague est là. En France, le gouvernement a décidé jeudi d’étendre le couvre-feu à 54 départements pour enrayer la propagation du coronavirus. Les unités de soins intensifs approchent de la saturation dans certains hôpitaux et le manque de lits et de personnel se fait de plus en plus sentir. Une situation qui fait peur à Axel Kahn, président de la National Cancer League, et Julien Taieb, oncologue, une nouvelle réduction de la prise en charge des patients cancéreux.

« Dès la mise en place du confinement le 17 mars, tous les dépistages systématiques des cancers du col de l’utérus, du sein ou de la prostate ont été complètement interrompus jusqu’au mois de juin », note le docteur Axel Kahn avec franceinfo. «Pendant cette période, nous nous attendions à faire environ 64 000 diagnostics. En gros, nous n’en avons réalisé que la moitié».

«Nous estimons aujourd’hui qu’il y a environ 30 000 cancers non détectés, et donc autant de personnes non traitées».

Dr Axel Khan

vers franceinfo

Si le dépistage systématique revenait à un rythme habituel en juillet, le président de la Ligue contre le cancer craint que le retard accumulé dans la prise en charge des patients ne soit « jamais rattrapé, même augmenté » avec la nouvelle épidémie de Covid-19. Il fait l’observation alarmante que « Toutes les opérations qui n’étaient pas urgentes à l’époque n’ont pas encore toutes été reportées. » Comme c’est le cas au service d’oncologie digestive de l’hôpital européen Georges-Pompidou à Paris. Depuis six mois, le chef de service, Julien Taieb, a été contraint de reporter certaines activités à la «alerte gouvernementale inférieure». « Nous avons réussi à passer la première vague sans décisions difficiles à prendre, mais au prix d’une déprogrammation et d’un report d’interventions relativement urgentes », explique-t-il à franceinfo.

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Dans son service, normalement, tous les patients obtiennent un rendez-vous en moins de sept jours. Mais entre les opérations annulées et l’impossibilité de donner une date précise de report, « les conséquences sont lourdes », considère ce chef de département. «Même si nous avons pu continuer la chimiothérapie, je ne suis pas sûr que la prise en charge du cancer du côlon métastasé puisse attendre trois mois.

Le climat actuel n’incite pas non plus les patients à pousser la porte d’un spécialiste. C’est une période « extrêmement nocif », souligne Julien Taieb. «Souvent, le patient tarde à consulter. Ensuite, il lui faut trois à quatre mois pour accepter le diagnostic. Et avec l’accouchement, beaucoup ne sont venus nous voir qu’en septembre». remarque-t-il.

« Nous avons vu la réapparition d’états catastrophiques, avec la gestion des métastases cérébrales que nous voyons rarement dans nos pathologies cancéreuses digestives. » Pour l’instant, Julien Taieb ne sait pas si cela « rebond brutal » des nouveaux cas graves est dû au fait que les patients consultent tous en même temps. Ou si c’est parce qu’il y avait beaucoup plus de cas très graves au début de l’été.

Car, pour l’année 2020, il est encore impossible de donner un bilan précis de l’impact de la pandémie Covid-19 sur l’organisation de la prise en charge du cancer ainsi que sur la délivrance des pronostics. Mais l’Institut Gustave-Roussy prévoit « une augmentation de la mortalité par cancer de 2 à 5% dans les cinq prochaines années ».

L’augmentation du risque de cancer pourrait augmenter en cas de deuxième vague et il sera important de tout mettre en œuvre pour maintenir le diagnostic et l’offre de soins contre le cancer.

Institut Gustave-Roussy

communiqué de presse

Première cause de décès chez les hommes et deuxième chez les femmes, le cancer a tué 157000 personnes en 2018 et 382000 nouveaux cas ont été détectés la même année, selon les dernières estimations publiées par Santé publique France. Les inquiétudes montent également du côté des patients. Ainsi qu’une certaine forme de démission. Comme c’est le cas pour Valérie, atteinte d’un cancer et qui se considère « être toujours la victime collatérale de cette nouvelle vague ».

Même au plus fort de l’épidémie de Covid-19, les Docteurs Axel Kahn et Julien Taieb rappellent qu’il est important que le dépistage soit maintenu et que les patients poursuivent leurs soins. Parce que « une perte de chance de traitement optimal, ce sont autant de chances de guérison qui sont perdues », martèle le président de la Ligue contre le cancer. « L’effet secondaire ne doit pas être pire que le mal », insiste Julien Taieb.

«Nous devons continuer à venir à l’hôpital car il est important de prendre en charge cette maladie à temps».

Dr Julien Taieb

vers franceinfo

Le responsable de l’hôpital de Geoges-Pompidou se veut également rassurant sur la prise en charge des patients atteints de cancer, sans nier la mortalité liée au Covid-19. « Nous traitons plus de 600 patients. Malheureusement, quelques-uns sont morts du Covid. Mais leur état de santé était très dégradé et ils seraient morts de leur cancer deux à trois mois plus tard. » Julien Taieb insiste: « L’hôpital n’est pas un endroit dangereux ». Il fait remarquer que « la chimiothérapie ne favorise pas Covid » et « Celui-ci ne donne pas non plus une forme plus sévère au cancer. »

Delphine Perrault

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